Le Gaullisme
Maurice
Chaudillon.
Le gaullisme se confond avec l’histoire de la France.
Il en est une expression forte, mais non pas exceptionnelle. Ce que je veux dire
c’est que le gaullisme s’inscrit parfaitement dans la continuité de notre
Histoire, d’une histoire où les héros ont été davantage des Résistants et des
fondateurs que des conquérants. Seul Napoléon fait exception. De Vercingétorix à
Clemenceau en passant par Geneviève de Paris ou Jeanne d’Arc : des Résistants.
D’Hugues Capet à Napoléon législateur en passant par Louis XI et Richelieu : des
fondateurs. Charles de Gaulle appartient à ces deux ordres à la fois : par un
acte de Résistance, entré dans l’Histoire, il a pu être par deux fois le
restaurateur de l’État, et à ce titre, fondateur d’une République moderne, dont
l’esprit, quoiqu’on en ait dit, lui survit.
On a souvent dit du gaullisme qu’il est,
essentiellement, une attitude. Alors, partant de là, beaucoup se sont imaginé
qu’il suffisait de feindre une attitude pour s’inscrire dans une fidélité que le
contenu même de l’attitude rendait vite douteuse.
Le Général s’est battu toute sa vie pour une
conception exigeante de la souveraineté. N’est-elle pas la première de lois
internationales, celle qui protège les États faibles des États forts ? À
Londres, en 1940, il n’apportait pas seulement l’appoint des troupes françaises
libres aux Alliés, il prévenait leur propre ambition hégémonique en
sauvegardant, auprès d’eux la souveraineté française, sans laquelle nous
n’aurions retrouvé qu’une liberté d’emprunt. Exister par soi- même : telle est
sans doute la pensée la plus fondamentale du gaullisme. Elle illustre son action
comme elle explique ses refus.
En réalité, le Général appartient à cette race si
rare des hommes qui, à la fois, pensent et agissent : il apparaît comme un
philosophe et un acteur de l’Histoire. Du gaullisme, on a donné bien des
définitions, alors je vais en suggérer une de plus : je dirai que le gaullisme,
aujourd’hui comme naguère, c’est de ne pas céder aux circonstances,
c’est-à-dire, en fin de comptes, aux apparences. Le gaullisme, comme tous les
grands desseins, est une entreprise nécessairement
inachevée.
Toute notre Histoire, disait le Général, c’est
l’alternance des immenses douleurs d’un peuple dispersé et des fécondités des
grandeurs d’une Nation libre sous l’égide d’un État fort. Ce que le Général a
voulu pour la France reste à faire et à refaire tous les jours. Nous savons que
les Institutions qu’il a laissées en sont le moyen. Mais ce moyen n’est pas
magique, il ne garantit que ce qu’il est. Le reste dépend de la force des âmes
et du caractère des hommes.