AU FIL DES
JOURS
par François
Lardeau
L’Affaire ou la confusion des genres De l’affaire
Bettencourt, aux relents sordides, on est passé à l’affaire Woerth, lieu de tous
les amalgames, et, faudrait-il plutôt dire aujourd’hui, à l’affaire Sarkozy,
puisque tous les développements médiatiques et politiciens auxquels ont donné
lieu ces « révélations » n’ont finalement visé qu’un seul homme, le Président de
la République. La façon dont ils se sont succédés à propos de la gestion de la
fortune de Mme Bettencourt et de ses comptes et autres biens à l’étranger non
déclarés ne laisse aucun doute sur la volonté d’exploiter un contentieux fiscal
pour discréditer l’ex-ministre du Budget devenu ministre du Travail et comme tel
en charge de la réforme des retraites, et, au travers de lui, le président qui
voulait faire de cette réforme un des temps forts de son quinquennat. S’y est
ajouté, dénoncé opportunément comme un conflit d’intérêts, le fait que ce
ministre était et surtout avait été le trésorier du parti présidentiel au moment
de la campagne électorale.
Certes, il apparaît que le ministre Woerth n’a pas
géré sa situation et celle de son épouse, gestionnaire pour partie de la fortune
de Mme Bettencourt, avec toute la prudence requise lorsqu’on exerce une fonction
ministérielle aussi sensible que la sienne, que ce soit comme ministre du Budget
ou que ce soit comme chargé de la réforme des retraites en tant que ministre
Travail. Le premier ministre et le Président de la République ne pouvaient de
leur côté ignorer les incompatibilités qui existaient entre les différentes
fonctions et emplois publics1 et privés du couple. Il leur appartenait de mettre
les intéressés devant les choix qui s’imposaient à eux. Ils ne l’ont pas fait à
temps et l’abandon par M. Woerth, sur injonction présidentielle, de sa fonction
de trésorier a été plutôt ressentie comme un aveu de culpabilité au regard du
passé que comme la régularisation d’une incompatibilité aujourd’hui
reconnue.
Au-delà du caractère éventuellement délictueux de
certains actes du ministre qui semble avoir quelque peu mélangé charge publique
et intérêts familiaux, la faute politique est évidente, et elle éclabousse la
majorité au pouvoir dans son ensemble. La conséquence a été immédiate. Passer du
ministre au Président de la République, il n’y avait qu’un pas. À l’initiative
d’officines et de médias que l’honnêteté intellectuelle n’étouffe pas, les
procès d’intention se sont multipliés pour attaquer systématiquement toute
initiative présidentielle, visant évidemment à paralyser l’action
gouvernementale au nom bien entendu de valeurs universelles, telles celles de la
démocratie ou tels encore les droits de l’homme désormais mis à toutes les
sauces. De sorte que, au niveau gouvernemental, l’affaire est devenue
déstabilisatrice à plus d’un titre. Dans le climat délétère qui règne
aujourd’hui, il semble bien que les apprentis sorciers qui poussent à la crise
institutionnelle, abondamment relayés par des médias majoritairement acquis à
l’opposition, ne mesurent pas les risques qu’ils font courir à la République. On
ne peut plus parler de démocratie, mot vidé de sens quand est pratiquée cette
forme de lynchage médiatique dont certains bien-pensants se délectent fort
imprudemment ! Sans oublier la curieuse pratique qui consiste à passer outre le
secret de l’instruction, garantie d’une justice hors de toute influence, en
arguant du droit à l’information… Information le plus souvent déformée et
instrumentalisée idéologiquement. Plutôt trotzkyste la méthode, non
?
La haine portée au Président de la République en tant
que personne est telle (que veut-on ? qu’il se démette, qu’il se suicide, qu’on
l’y aide ?) qu’aucune possibilité de se justifier ne lui est donnée. Révélé,
tout fait ou geste de sa part2 donne immédiatement lieu à une interprétation à
sens unique et à de nouveaux amalgames, chacun prétendant détenir toutes les
preuves matérielles de ce qu’il avance. Dans ces conditions, il ne faut pas
s’étonner que, dans l’affaire Woerth, le rapport de l’Inspection générale des
Finances (IGF) ait été récusé avant même d’être rendu, ni que la Justice, quand
elle n’intervient pas à charge, soit aussitôt accusée de dépendance. Le
dessaisissement du procureur Courroye et la nomination d’un juge d’instruction
ont été réclamés à grands cris, mais il ne faut se faire aucune illusion : si ce
dernier ne se joint pas à la meute, son indépendance sera vite à son tour mise
en cause !
Que l’on nous comprenne bien, il ne s’agit pas ici de
défendre envers et contre tout le président Sarkozy, le ministre et trésorier
Woerth, l’UMP, et même la droite dans son ensemble. Il ne s’agit pas davantage
de faire le jeu de l’extrême-droite, ni d’ailleurs d’autres extrêmes … Bien au
contraire. Les gens sont ce qu’ils sont, chacun avec ses défauts et sa part de
vérité, le président Sarkozy comme les autres. Sauf à être de la plus grande
mauvaise foi, force est de constater que les circonstances ne l’ont pas servi.
Sans doute a-t-il sous-estimé l’ampleur de la tâche quand il a entrepris de
mener de front un ensemble de réformes qui bousculait un peuple endormi dans la
fausse certitude de la pérennité de ses acquis sociaux. La moindre des
honnêtetés intellectuelles serait de reconnaître les faits et les limites des
marges de manoeuvre gouvernementales, s’il en reste. On peut faire à gauche
toutes les promesses que l’on veut pour s’assurer de revenir au pouvoir en 2012,
la sanction la plus probable d’un tel succès par les marchés sera l’abaissement
immédiat de la notation financière de la France, avec toutes les conséquences
qui en découleront, en particulier sur le plan social ! Alors, bonjour le plan
d’ajustement structurel à la grecque imposé par Bruxelles, Francfort et le FMI !
Il n’y a pas de projet socialiste de réforme des retraites parce qu’il ne peut
pas y en avoir sur la base de déclarations promettant un retour à la retraite à
soixante ans. Il est évident que la très modeste réforme, d’ailleurs sans doute
insuffisante à terme, qu’a votée l’actuelle majorité, était le minimum
acceptable, non seulement par le marché, mais surtout pour nos partenaires
européens qui n’ont nulle envie d’avoir un jour à se cotiser pour venir au
secours d’une France tombée en faillite, c’est-à-dire en cessation de
paiement.
Les Socialistes se plaisent à faire étalage des
personnalités qui en leur sein peuvent prétendre à la couronne présidentielle en
2012. Belle brochette en vérité, dont Strauss-Kahn, indispensable caution pour
ratisser large au centre, mais comment peuvent-ils faire croire qu’un ex-patron
d’un FMI initiateur des plus sévères plans d’ajustement structurel dans le monde
entier se ralliera à leurs billevesées ? Depuis les premiers temps du pouvoir
mitterrandien, on n’avait jamais connu un tel entêtement à faire prendre des
vessies pour des lanternes. Ou bien l’opposition a un programme socioéconomique
globalement cohérent dans le contexte supranational européen dont elle a été
ellemême à l’origine, et alors qu’elle l’expose ; ou bien, comme son
comportement exclusivement « antisarkosyste » le fait craindre, il n’en est
rien, et c’est à une course à l’abîme qu’elle entraîne le peuple français. La
pseudo entente entre la stalinienne Aubry et le néo-libéral (ès fonction)
Strauss-Kahn dont fait état le slalomeur politicien Bartolone confirme le
caractère exclusivement personnel de la lutte pour le pouvoir – c’est très
mitterrandien – qui s’engage au sein du Parti Socialiste à l’approche de la
prochaine présidentielle. Ce n’est certes pas l’intérêt général qui motive ces
candidatures - sauf peut-être pour M. Hollande qui souhaiterait que son parti
sorte enfin de l’antisarkozysme stérile dans lequel il se complait -, mais bien,
pour chacune d’entre elles, une ambition personnelle relevant d’un ego démesuré.
Alors, de grâce, et foin d’hypocrisie, qu’on cesse de nous donner des leçons de
morale et de bien-pensance ! Où cela peut-il mener ? Rien ne venant calmer le
jeu en cette fin de septembre, tout est à craindre, y compris une crise
institutionnelle quand on voit le comportement hystérique qui a saisi la gauche
parlementaire à l’Assemblée nationale au prétexte que, à l’occasion du débat sur
la réforme des retraites, le président Accoyer lui a refusé de jouer
l’obstruction – depuis 2007, c’est tout ce qu’elle sait faire, ce qui n’empêche
pas les socialistes et leurs alliés de prétendre aux responsabilités
gouvernementales.
De frustrations en frustrations, le peuple français
pourrait bien un jour finir par rejeter globalement le système et ses
représentants, et, à l’instar d’autres peuples européens, comme on le voit
maintenant pratiquement à chaque élection, glisser vers des formes de
gouvernement plus radicales. L’abstention grandissante aux scrutins électoraux
ne relève pas seulement d’un simple désintérêt, individualiste, pour la chose
publique. Pour beaucoup de ceux qui la pratiquent, elle témoigne d’un désaccord
profond, devenu de plus en plus viscéral si l’on peut dire. Tant va la cruche à
l’eau qu’à la fin, en effet, elle se casse ! Les signes se multiplient, que l’on
peut certes considérés comme des faits divers à faire figurer dans la rubrique
des « chiens écrasés », mais qui, à bien y réfléchir, jalonnent une descente aux
enfers. Le comportement irresponsable d’une grande partie de la classe politique
française, droite et gauche confondues, est porteur aujourd’hui du risque majeur
qui découle de tout désordre ainsi en quelque sorte « institutionnalisé » comme
on le voit à l’Assemblée nationale : le recours à la dictature. Que ceux qui ne
peuvent s’empêcher de jouer à la guerre civile y réfléchissent pendant qu’il est
encore temps !
1. Le ministre est aussi maire de Chantilly. Une
question vient à l’esprit : où ce diable d’homme trouve-t-il le temps d’exercer
pleinement ses trois fonctions (ministre, trésorier de l’UMP et maire), ou bien
n’est-il qu’une machine à signer ? Inquiétant, non ?
2. De quel droit lui interdire d’aller dîner chez Mme
Bettencourt ? *
De quelques faits dont l’hebdomadaire Challenge a
fait sa rubrique Regards (lecture de vacances) :
- 1,7 cotisant pour 1 retraité français aujourd’hui,
contre 4 pour1 en 1960.
- 34 % des Françaises et 42 % des Français souhaitent
créer leur entreprise.
- Un Français produit 390 kg de déchets ménagers par
an, deux fois plus qu’il y a quarante ans.
- Avec 780.000 tonnes par an, la France est le
premier utilisateur européen de pesticides. Et le troisième mondial derrière les
États-Unis et le Japon.
- La France compte 50.000 bistrots aujourd’hui, dix
fois moins qu’en 1914. - 30 % du trafic automobile dans les villes est généré
par des conducteurs cherchant une place de stationnement.
- Paris compte 2,8 taxis pour 1.000 habitants. À New
York, c’est 11,1.
- Les amendes des radars ont rapporté 500 millions
d’euros à l’État en 2009, contre 450 millions en 2008.
- À partir de 2010, les Allemands âgés de plus de 65
ans seront plus nombreux que ceux âgés de moins de 20 ans.
- D’ici à 2050, la population allemande devrait
passer de 82 à 68 millions. La France compterait 70 millions
d’habitants.
*
- Budget américain de la Défense en 2009 : 667
milliards de dollars. C’était 316 milliards en 2001.
- 708 milliards de dollars : c’est le montant du
programme du chasseur américain F-35 de Lockheed Martin. Soit 23 fois plus que
l’A 400M.
- Seules 1 % des entreprises américaines exportent et
58 % d’entre elles vers un seul pays.
- Les États-Unis rassemblent 5 % de la population
planétaire et consomment 25 % de la production mondiale de
pétrole.
- Les ventes annuelles de boas et de pythons
représentent 1,8 milliard de dollars aux États-Unis.
*
- 1.753 tirs pour la fusée russe Soyouz. Le lanceur
européen Ariane en compte 193.
- 57 réacteurs nucléaires sont en construction dans
le monde, dont 23 en Chine et 10 en Russie.
- La Chine comptait pour 17 % des ventes publiques
d’oeuvres d’art en 2009, le Royaume-Uni 21 % et les Etats-Unis 28
%.
- En un an, le prix de la tonne d’ail est passé de
170 à 1 200 dollars en Chine, où le bulbe est considéré comme un remède
antigrippe A.
- 200 millions d’étudiants seront dans l’enseignement
supérieur en 2015, contre 100 millions en 2000 ; 55 % d’entre eux seront chinois
ou indiens.
Ainsi va le monde
…