Une révolte ? Non Sire, une Révolution ! Nous n’en
sommes pas là mais à se tendre il arrive un jour que la corde se casse. C’est le
sentiment éprouvé lorsqu’on se mêle, comme je l’ai fait, aux récentes
manifestations à Paris et à Bruxelles. À Bruxelles, il y a dix ans qu’on avait
vu un rassemblement d’une telle ampleur. Les couleurs de la rue représentaient
un symbole et disaient la signification politique de l’événement. Les dizaines
de milliers de travailleurs belges avaient revêtu un surplus rouge pour les uns,
vert et bleu pour les autres. Ce qui n’avait rien à voir avec la palette du
peintre ni pour agrémenter la vision de l’oeil de la caméra ou de l’appareil du
photographe. Le rouge pour les Socialistes, le vert pour les Chrétiens, le bleu
pour les Libéraux.
Toutes les forces syndicales battaient le pavé ou
l’asphalte en« front commun ». Au nom d’une « Europe sociale » toujours évoquée
mais jamais née, les Belges avaient été rejoints par les Allemands conduits par
une fanfare de mineurs en uniforme noir, le képi surmonté d’un plumet, de
Roumains et de Bulgares, banderoles et couleurs nationales déployées. La colère
de la rue Et les Français ? J’y viens. Ils étaient nombreux. Oubliées les
divisions et les querelles. Bras dessus, bras dessous et à leur tour défilaient
la FSU, FO, la CDFT. La CGT était là avec, à sa tête Bernard Thibault.
Répétition générale avant les « manifs » françaises contre le retraite à
soixante-deux ans.
De Bruxelles à Paris j’ai retrouvé – de la République
à la Nation – le peuple de la protestation. Qu’importe les querelles de
chiffres, ils étaient si nombreux que durant des heures il n’y eut pas de défilé
mais un piétinement. C’était un samedi. Les femmes étaient nombreuses. On était
venu manifester en famille. Avec les moutards. Les casseurs, eux, n’étaient pas
au rendezvous comme ils l’étaient au temps du CPE. Ici, c’était heureusement
sans violence mais ce serait une erreur pour cela de minimiser l’ampleur et la
profondeur de la rébellion sociale. Avec, pour risque, une violence à venir si
on persiste à la négliger. N’étant pas économiste je me garderai d’un avis
définitif et tranchant sur le fond du dossier des retraites. Qu’il y ait une
réforme nécessaire est un fait accepté par une majorité tant à gauche qu’à
droite. Mais pour l’introduire il faut gagner la
confiance.
Le contexte n’y prête pas. Ce qui prévaut est le
sentiment d’une injustice croissante. Il est une publicité à la télévision dont
le libellé me choque. Celle d’Euromillions et cette invite « devenez
scandaleusement riche ». Ce qui se produit dans nos sociétés ce sont tous ceux
qui deviennent scandaleusement pauvres. La politique et le comportement du
Président de la République accroissent le sentiment et la réalité d’une fracture
sociale de plus en plus béante. L’autre soir Bertrand Renouvin avait pour
invités aux Mercredis de la NAR (Nouvelle Action Royaliste), « le couple qui
fait trembler l’Élysée », Monique et Michel Pinçon-Charlot. Les oligarques
Trembler ? Vraiment ? C’est là sans doute une accroche propre à aguicher les
journalistes. Il n’en demeure pas moins que le diagnostic fait mal. « Je vais
aller dans un monastère si je suis élu », annonça Nicolas Sarkozy. Pour
monastère il a choisi le Fouquet’s et les célébrants avaient pour noms
Lagardère, Bouygues, Bolloré… la nuit du Fouquet’s n’a pas de fin. Ce n’est pas
Euromillions c’est le bouclier fiscal, la suppression de la publicité (un bien
en soi) enlevée aux chaînes publiques au profit de Bouygues, et j’en passe, qui
ont rendu les riches plus riches encore. L’affaire Bettencourt, le nom d’Éric
Woerth ne font-ils pas songer aux « copains et aux coquins ». Ils existent sous
tous les régimes. Il en est à gauche comme à droite. Mais avec un peu d’ironie,
je conseillerai aux « coquins « de pratiquer leur « coquinerie » avec réserve et
mesure.
Lorsque les privilégiés deviennent des oligarques la
coupe est pleine. Caveant Consules. Prenez garde, consuls. Le vieil adage ne
doit pas être oublié. Il est aujourd’hui de rigueur.