COMPTE-RENDU DU DÎNER-DEBAT DU 28 AVRIL 2010

COMPTE-RENDU DU DÎNER-DEBAT DU 28 AVRIL 2010

 

 En présence de,

                                         

Monsieur l’Ambassadeur de France, Pierre LAFRANCE,

 

 

Quel avenir pour l’Afghanistan ?

« L’Afghanistan, un pays d’oasis au milieu d’une steppe »

 

Par Christine Alfarge,

On croit être au bout du monde, on est au centre. L’Afghanistan est un pays montagneux d’Asie centrale de 650.000 km2, aux confins de six pays différents. A l’ouest : l’Iran. Au nord : le Turkménistan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan. A l’est, le pays possède un tout petit bout de frontière commune avec l’immense Chine. A l’est, toujours, et au sud, il est voisin avec le Pakistan.

Par son rôle géostratégique, l’Afghanistan a une importance considérable en raison d’appartenances diverses conjointes, ouvertes sur les mondes iranien, indien et chinois, terre de passage entre le Moyen et l’Extrême-Orient, il est redevenu l’enjeu militaire et diplomatique le plus important de l’Occident.

Ancienne terre impériale.

A l’image de son histoire, le peuple afghan est mosaïque. Il est composé de populations d’origine indo-européenne : iranienne, turco-mongole (ouzbek, kirghiz, azaras). Ces derniers seraient les héritiers du redoutable empereur mongol Gengis Khan qui arriva dans la région en 1221. On trouve aussi quelques petites communautés arabes dans le nord. Mosaïque de peuples, l’Afghanistan a depuis toujours accueilli sur son sol de multiples religions : le zoroastrisme lors de la conquête perse, le panthéon grec lors de celle d'Alexandre de Macédoine, le bouddhisme sous la dynastie kouchan. Du 1er siècle au VIIème siècle, la civilisation Gandhara (région couvrant le nord-ouest de l’Inde, le nord du Pakistan et l’est de l’Afghanistan), donnera notamment naissance aux fameux bouddhas de Bamiyan et développera un style artistique mélangeant les influences gréco-romaines et le bouddhisme indien. Puis l’islam s’installera au IXe siècle après J.C et va durer trois siècles. Par la suite, des coups d’Etat incessants amèneront au pouvoir des dynasties turques.

En 1380, c’est la conquête de l’Afghanistan par Tamerlan, chef d’un clan turco-mongol, qui fonde la dynastie timouride. Celle-ci règne sur le pays jusque vers 1506. Puis à partir de 1526, c’est le  début de la dynastie musulmane des Grands Mogols, venus du nord de l’Inde, qui assurent deux siècles de paix relative.

En 1747, la reconquête du pays par les Durrani, princes pachtouns, afghans, exilés en Inde, avec à leur tête Ahmad Shah, fondent le royaume d’Afghanistan. Il recouvrirait aujourd’hui l’Afghanistan, la totalité du Pakistan, l’Est de l’Iran et le Nord de l’Inde. Dès le XVIIIe, la dynastie des Durrani s’oppose aux Britanniques. Soucieux de sauvegarder leurs intérêts en Inde, ces derniers s’efforçaient ainsi de contrecarrer l’influence russe dans la région. A partir du 19ème siècle, de 1827 à 1907, l’Afghanistan fut au cœur d’une rivalité entre les empires russe et britannique pour le contrôle de l’Asie.

Dans ce contexte, la notion de nation n’a pas forcément la même résonance qu’en Occident. L’Afghanistan  découvre le sentiment d’identité nationale seulement à l’arrivée au pouvoir du roi Abdoul Rahman Khan en 1880.

La plus grande de toutes les opérations.

Neutre pendant les deux guerres mondiales, c’est avec l’invasion soudaine de l’armée rouge que l’Afghanistan revient en décembre 1979 sur la scène des préoccupations de l’Occident. Après l’arrivée de Ronald Reagan à la Maison Blanche, les américains tiennent l’occasion de prendre leur revanche sur leur défaite en Indochine. En instrumentalisant, via le Pakistan, les mouvements islamistes afghans de résistance au communisme, l’Amérique va déclencher la défaite des Soviétiques.

Le temps du chaos.

Avec le retrait soviétique de 1989 puis la victoire des Moudjahidins en 1992 qui vont détruire Kaboul dans leurs guerres internes, l’Occident se désintéresse de l’Afghanistan jusqu’à 2001. Appuyés par le Pakistan, les talibans dont l’idéologie religieuse va ramener le pays au Moyen-âge, arrivent au pouvoir.

A la suite des attentats du 11 septembre 2001, la réaction américaine est immédiate, la guerre débute en octobre, les villes de Kaboul et Kandahar sont prises en novembre, une conférence internationale à Bonn s’organise sur la reconstruction politique et économique du pays en décembre et parraine le Pachtoune Hamid KARZAÏ comme futur dirigeant de l’Afghanistan. L’Otan s’installe alors à Kaboul sous mandat onusien pour stabiliser, mais l’option américaine de se lancer dans un conflit en Irak permet aux talibans de se réfugier et de se reconstituer dans les zones tribales pakistanaises et revenir en 2006 dans le sud du pays où ils s’en prennent aux forces occidentales ainsi qu’à tout ce qui représente l’état afghan.

La présence occidentale se renforce en Afghanistan.

En avril 2008, lors du sommet de l’Otan à Bucarest, l’Occident renouvelle son engagement pour l’Afghanistan afin d’éviter une reprise du contrôle de ce pays par les talibans. En février 2009, le président OBAMA annonce à la fois un retrait progressif de l’Irak et le renforcement du contingent américain d’environ 66 000 hommes au total, le reste de la coalition déployée en Afghanistan étant d’environ 34 000 hommes dont 2500 hommes côté français.

Soumis à de rudes critiques, les gouvernements américains ou européens doivent se justifier auprès de leurs opinions publiques sur les pertes humaines ainsi que l’aide consacrée au développement de l’Afghanistan (plus de 35 milliards de dollars depuis 2002).

Un enjeu politique occidental majeur.

Penser l’avenir de l’Afghanistan dépend de plusieurs facteurs, sécuritaire, politique et diplomatique. Sur le plan de la sécurité, la nouvelle stratégie d’occuper le terrain, qu’on confie ensuite à l’armée afghane, en finançant des projets pour gagner l’appui de la population, a ses limites. « 2010 sera une année critique », les frustrations générées par les guerres, l'inexistence du gouvernement central, les promesses non tenues de la communauté internationale sont autant d'obstacles à la restauration de la confiance. Riche d’histoire et redoutable, la société afghane est une société tribale avec très peu de nomades, basée sur une solidarité totale à des solidarités tribales. Tout cela est très important si l’on veut agir sur la société afghane elle-même. C’est une société où l’on se concerte sur ce qui ne va pas avec à sa tête, un chef reconnu par consensus et une choura (assemblée) pour régler les problèmes les plus prosaïques. Ce qui caractérise avant tout la société pachtoune ou afghane, c’est la culture du combat et de la prédation dont l’origine est de conquérir les ressources. La paix doit remplacer la prédation par la création des richesses. Selon Monsieur l’Ambassadeur Pierre LAFRANCE « Encourager l’économique, c’est vingt cinq fois moins que le militaire. Au moment de la présence étrangère, la population afghane était favorable mais c’est resté au niveau des discours. On n’a pas fait d’institutions légales, les américains ont fait un choix de lutter contre Ben Laden. L’infrastructure aurait été développée dès le départ en distribuant des salaires aux afghans, mais l’aide financière gaspillée est retournée vers les pays donateurs ». Sur l’avenir, n’est-il pas trop tard ? Les grands intervenants (l’OTAN) font tous leur mea culpa, le mouvement taliban est en crise, voire en régression, c’est sans aucun doute une opportunité à saisir.  Selon Monsieur l’Ambassadeur : « Il faut plus de décisions sur l’avenir, la communauté internationale doit se concerter sur un programme national contenant des projets voulus par les populations. Les militaires et les civils doivent s’entendre. Maintenant, il faut des actions civiles appropriées pour que les populations aient la confiance dans des programmes déterminés ainsi que le retrait des troupes au plus vite ». Sur le plan politique, le président KARZAÏ devra poursuivre ses offres de réconciliation nationale aux talibans disposés à s'éloigner d'Al-Qaida et sur le plan diplomatique, il devra améliorer ses relations avec le Pakistan. En échange, l'Afghanistan devrait évidemment obtenir que les services de renseignement militaires pakistanais renoncent à leurs ingérences répétées en territoire afghan, et poussent les talibans à la négociation.

La politique afghane du Pakistan.

Le Pakistan fait partie intégrante de la résolution du conflit afghan. Il a de nombreux points communs avec l'Afghanistan, que ce soit au plan historique, culturel ou géographique. Dans son intérêt, le Pakistan peut donc jouer un rôle central dans la stabilité de l'Afghanistan. Cependant, les américains et leurs alliés reprochent au Pakistan de jouer un double jeu et de ne pas faire assez d’efforts dans la lutte contre les talibans qui trouvent refuge dans les zones tribales et attaquent les troupes de l'Otan en Afghanistan.

Quelles sont les conséquences internationales ?

Les Etats-Unis ne sont pas les seuls concernés par le conflit afghan et les troubles internes du Pakistan. L’antagonisme profond qui règne entre l’Inde et le Pakistan transforme l’Afghanistan en véritable terrain d’affrontement à cause du Cachemire où les talibans sont présents. La Chine, présente également dans la partie nord du Cachemire et frontalière de l’Afghanistan partage avec la Russie, et les Etats-Unis un souci commun, la lutte contre le terrorisme islamique. Ce danger auquel ils doivent faire face les rassemble. Dès lors, c’est l’ensemble de la communauté internationale qui est concerné par les événements d’Afghanistan et du Pakistan et doit notamment agir par rapport au Cachemire. Quant à l’Arabie saoudite, elle pourrait intervenir pour contrebalancer les actions de l’Iran chiite et jouer un rôle majeur dans le déroulement de négociations à venir entre tous les intervenants, que ce soit en Afghanistan ou au Pakistan.

« Quoiqu’il en soit, on ne change pas l’âme d’un pays et la volonté d’un peuple, c’est aux Afghans eux-mêmes de décider comment ils veulent ramener la stabilité dans leur pays ».

 

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17.05.2010

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