BELGIQUE,
le volcan communautaire
par
Luc Beyer de ryke,
La
Belgique
a son volcan islandais. Il s’appelle B.H.V. (Bruxelles-Hal-Vilvorde).
Périodiquement il entre en éruption. La dernière, plus violente que les autres,
vient de provoquer une crise politique dont on craint qu’elle soit une crise de
régime. Pour ses voisins l’équation belge semble incompréhensible. En quelques
traits épurés, en m’efforçant de ne pas trahir l’essentiel, tentons de rendre
intelligible ce qui est obscur. Il faut pour cela remonter à 1932. Un principe
est alors coulé en force de loi, celui de l’unilinguisme des régions. Celui qui
vit en Flandre dans ses relations avec l’Administration publique s’exprime en
flamand, en français s’il vit en Wallonie, dans la langue de son choix à
Bruxelles.
La
Flandre épouse la philosophie du droit du sol, les francophones celle du droit
des gens. C’est la Flandre qui pousse à l’adoption de la législation. Reste que
les Wallons ne voulaient pas entendre parler de bilinguisme et de flamand, cette
langue de bouseux.
Ce
fut une erreur historique. Irrécupérable. En 1962, toujours sous la pression des
exigences flamandes, le gouvernement Lefèvre-Spaak entérina la fixation de la
frontière linguistique. Bruxelles fut réduite une fois pour toutes à dix-neuf
communes à statut bilingue. Mais l’arrondissement se complétait de trente-cinq
communes situées en territoire flamand. Six d’entre-elles ont une majorité
francophone qui n’a cessé de s’accroître.
Dans
les autres il y a des francophones, mais minoritaires. Toutefois dans cette
entité les francophones, s’ils le désirent, peuvent voter pour des candidats
francophones, fréquenter des écoles francophones et être jugés dans leur langue.
Ces dispositions issues du compromis de 1962, souvent du bout des lèvres, au fil
du temps ont été perçues comme de plus en plus insupportables par une Flandre
radicalisée. Voilà pour les rétroactes.
Poussée
de fièvre
Voyons
ce qui fait exploser le thermomètre des fièvres linguistiques. Le dernier
gouvernement Leterme naquit dans la douleur. Le roi aida à l’accouchement en
convoquant autour du berceau les sages du royaume. Il fut décidé qu’Yves Leterme
laisserait à Jean-Luc Dehaene, ancien Premier ministre, le soin de déminer
B.H.V. Leterme se voyait ainsi flanqué d’une belle-mère au physique imposant
mais à l’intelligence subtile. Dehaene, en toute discrétion, s’attela à la tâche
et… échoua ! C’est là que sortit du bois celui qu’on n’attendait pas.
Puisqu’impasse il y avait le jeune et nouveau président des libéraux flamands
claque la porte. Son parti se retire de la coalition. Leterme n’a plus de
majorité côté flamand. C’est intenable. Le roi tente de recoller les morceaux,
en vain. Le vase de Vilvorde comme celui de Soisson est bel et bien brisé. C’est
la crise politique et peut-être de régime.
Déjà
du côté des nationalistes flamands on prévient. Ces élections sont illégales
tant que B.H.V. n’est pas scindé :
« dès lors aussitôt élus nous proclamerons cette illégalité qui rendra les
chambres invalides aux yeux de la loi ». En
foi de quoi toute formation d’un gouvernement s’avérera impossible. C’est lé
scénario imaginé dont rien ne dit qu’il sera avalisé par les juristes, cependant
la menace d’un chaos organisé n’en existe pas moins.
Au
milieu de cette nouvelle tourmente communautaire un « bien’ semble avoir surgi
du « mal ».
Touche
pas à mon roi !
Avant
que se déclenche la crise La
Libre Belgique avait
lancé une en quête sur la monarchie. Elle avait convié à s’exprimer dans ses
colonnes des politiques, des politologues, des constitutionnalistes. Il s’avéra
qu’il y avait un assentiment général pour que les pouvoirs déjà très réduits du
roi soient encore diminués. Tous les partis francophones songeaient à soustraire
la promulgation des lois à la signature royale. Il va de soi que les Flamands
étaient encore moins favorables aux prérogatives royales que beaucoup jugent
obsolètes. Voilà que la « sonnette d’alarme » a retentit côté francophone. Plus
question de toucher au roi, dernier garant de ce qui survit encore comme
solidarité entre Belges.
Aussi
dans les articles de la Constitution qui seront soumis à révision après les
élections aucun ne se rapportera aux pouvoirs royaux. Yves Leterme l’a promis.
Voilà soudain des francophones apeurés qui trouvent le langage d’Harlem Désir
pour s’écrier «
Touche pas à mon roi ».