LA POLITIQUE ARABE

AU FIL DES JOURS…

 

par François Lardeau

 

 

 

Tandis que, prix à payer pour le soutien financier accordé par ses partenaires européens et le fmi, la Grèce va connaître les affres de l’« ajustement structurel », remake du traitement infligé par le même fmi et la Banque mondiale aux États africains dans les années 80 avec les conséquences que l’on sait pour les populations dites vulnérables, la France s’interroge enfin sur le devenir de son agriculture et de son industrie… qui conditionnent son avenir tout court !

 

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Drôle de pays, cette France qui passe son temps à s’en prendre à la personne du chef de l’État - certes critiquable pour certains comportements « pipoles » préjudiciables à l’autorité morale que requiert la fonction - et qui, avant même qu’il ait parlé, lui font un procès d’intention, quelles que soient la nécessité et l’urgence des réformes et des actions à entreprendre. Le lynchage est devenu permanent dans les médias qui s’arrogent le droit de « tuer » en toute impunité, la politichiennerie leur emboîtant le pas. C’est pourquoi on aimerait plus de sérieux, plus de sens des responsabilités de la part de ceux qui, parti de gouvernement, appellent à l’alternance, sans repentance (le mot est d’eux) pour leurs erreurs antérieures, au premier rang desquelles les fameuses 35 heures de celle qui se voit déjà présidente ! La moindre des honnêtetés intellectuelles serait de reconnaître ce qu’il y a de positif dans les propositions du président Sarkozy touchant ces secteurs-clés de l’avenir national que sont l’agriculture et l’industrie, que la double soumission depuis le traité de Maëstricht à l’ultralibéralisme et aux magouilles bruxelloises a largement condamnées à une disparition par pans entiers.

 

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S’agissant de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, il faut avant tout souligner que l’enjeu national est celui de la plus grande autosuffisance alimentaire dont on verra sans nul doute l’importance vitale dans les décennies à venir, sans négliger par ailleurs sa contribution à l’équilibre de la balance commerciale. Un tel enjeu méritait mieux qu’une minable polémique sur le jour de venue du président au salon de l’Agriculture ! Quoi qu’il en soit, son déplacement le jour de la clôture du salon n’a pas été de pure forme. Si les aides financières annoncées (800 millions d’euros de prêts bonifiés supplémentaires et 50 millions d’euros pour venir en aide aux agriculteurs les plus endettés) « ne régle(ront) pas tout », a reconnu le président, la politique agricole qu’il a proposée remet totalement en cause les errements actuels : il s’agit désormais de faire des agriculteurs et des éleveurs des entrepreneurs à part entière et de les soutenir comme tels au lieu de les enfermer dans un statut d’assistés permanents, ainsi que le pratiquaient les gouvernements précédents dans le cadre de la pac européenne, de toute façon aujourd’hui à renégocier.

 

Si on veut aller au fond des choses, cela devrait signifier qu’agriculteurs, éleveurs et pêcheurs doivent s’organiser pour assurer par eux-mêmes la commercialisation et la distribution de leurs productions au lieu de passer par la grande distribution qui aujourd’hui les saigne. Directement du producteur au consommateur, comme cela commence à se faire, encore à trop petite échelle il est vrai. Une telle réorganisation du marché serait assurément plus porteuse de garanties d’autosuffisance pour l’avenir qu’un marché approvisionné par des importations à la traçabilité pas toujours transparente et sans garantie d’accès permanent. Comment accepter par exemple qu’un grand groupe national de l’agroalimentaire qui prétend fabriquer des produits de haute valeur diététique importe du lait en poudre de provenance (sic) néo-zélandaise alors que les producteurs français n’arrivent pas à écouler leur lait, sous contrôle sanitaire effectif lui, à un prix justifié ? Il est bien illusoire et même indécent à ce compte de parler de traçabilité et de sécurité alimentaire dans un tel contexte de mondialisation marchande !

 

Au lieu de s’ériger en contrepouvoir politicien, les régions et autres collectivités territoriales gérées par l’opposition seraient bien inspirées de participer à la restructuration proposée du marché de l’alimentation plutôt que de reprendre à leur compte, pour de basses raisons électorales, l’élucubrant programme des Verts et autres marchands d’illusions, et de défendre de façon inconséquente les contraintes environnementales que ceux-là veulent imposer à l’agriculture. Le refus systématique des ogm, hors de toute rationalité, en est l’illustration la plus aberrante, malgré l’orientation proposée par l’un des leurs, Claude Allègre, qui recommande la production de plantes capables de résister à la pénurie d’eau et de se passer d’engrais.

 

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S’agissant de l’industrie nationale, le président Sarkozy se réclame toujours du sauvetage d’Alstom, menacé de démembrement par Bruxelles au profit de Siemens, ce qu’on ne peut objectivement lui contester. En fait, cette affaire s’inscrivait dans une attaque, au nom d’une conception bruxelloise quelque peu outrancière du principe de libre concurrence, de l’ensemble des entreprises du secteur public français à caractère industriel ou commercial et de celles qui bénéficiaient d’un soutien financier de l’État qui les mettait à l’abri des sanctions du marché. Un des derniers épisodes de cette pression bruxelloise concerne, comme on sait, la privatisation de la Poste après celle d’EDF… Pour ce qui est du secteur industriel proprement dit, la première cause de son effondrement a résidé dans l’absence d’une politique nationale, absence liée d’une part à l’illusion du remplacement de ce secteur par celui des services, et d’autre part à une soumission totale à l’ultralibéralisme qui condamnait tout soutien financier de l’État à des entreprises soumises à concurrence, quel que soit le coût social ou de dépendance économique.

 

On dit souvent qu’absence de politique vaut politique et, dans le cas présent, on constatera que les « résultats » sont allés au-delà des « espérances » ! Qu’il s’agisse de grandes entreprises, plus ou moins phagocytées par leur concurrentes étrangères ou démembrées à l’initiative de fonds spéculatifs, ou qu’il s’agisse de pmi innovantes dont le développement a été entravé par les contraintes administratives et bancaires, la France - pratiquement en aucun cas - n’a su ni pu se doter d’une industrie compétitive concourant à l’équilibre de sa balance commerciale. À qui la faute, sinon aux responsables du reniement de toute politique industrielle et à leurs gourous « bobos » rêvant d’une Europe supranationale, ouverte à tous les vents, et bien sûr « écolo »… Bien qu’inspirées par les conclusions des États généraux de l’Industrie réunis à la demande des syndicats, cgt en tête, les mesures proposées par le Président de la République pour redresser la situation n’ont évidemment trouvé aucun crédit dans l’opposition, ce qui augure mal d’un renversement de majorité en 2012 : la France cesserait alors très rapidement d’être une puissance économique, la décroissance (sic) étant le cheval de bataille de l’incontournable composante « verte » de la nouvelle « gauche solidaire ». Tout cela n’est pas sérieux, même si certains s’y laissent prendre. La décroissance ne sauvera pas la planète. Pas d’avenir sans industrie est le titre d’un ouvrage de Jean-Louis Levet, ancien chargé de la politique industrielle à la direction du Plan, en écho au pamphlet de Nicolas Baverez dénonçant déjà en 2003 l’état de décrépitude dans lequel était tombée l’industrie française. « Chaque année, la France perd des usines et gagne des chômeurs », résumait plus récemment Laurent Joffrin dans Libération !

 

On attendait du président Sarkozy qu’il apporte une solution immédiate à ce double défi - telle était d’ailleurs une des embuscades tendues à l’occasion des élections régionales – mais, bien évidemment, les mesures qu’il a annoncées le 4 mars à Marignane ne pouvaient résoudre d’un coup de baguette magique le problème du chômage, même si la défense de l’emploi figurait en tête des objectifs. La France, qui en réalité s’emploie depuis 2005 à se redonner les moyens d’une politique industrielle (création de l’Agence nationale de la recherche, de l’Agence pour l’innovation industrielle, des pôles régionaux de compétitivité), ne peut espérer voir les effets de ces mesures qu’à terme. Aujourd’hui, tous les indicateurs sont au rouge, ce qui souligne le caractère structurel de la crise, auquel s’ajoute malheureusement un désamour culturel franco-français pour l’industrie. Cause principale de ce décrochage, la baisse de la compétitivité, dans laquelle, contrairement aux idées reçues, le coût du travail intervient peu (34,1 dollars l’heure, charges sociales comprises, pour l’Allemagne en 2008 contre24,90 dollars pour la France !), mais dans laquelle le retard national français en recherche et développement (R et D) apparaît déterminant (67 milliards de dollars de dépenses publiques et privées, soit 2,4 % du PIB, pour l’Allemagne en 2006, contre seulement 38 milliards de dollars, soit 1,9 % du PIB, pour la France). C’est ainsi que l’Allemagne est devenue le premier exportateur de hautes technologies … devant les États-Unis, d’où le maintien de ses exportations au plus haut niveau. Y jouent depuis le xixe siècle un rôle déterminant, aux côtés de la grande industrie, les moyennes entreprises dont les exportations peuvent atteindre jusqu’à 90 % de leurs productions.

 

Ce n’est malheureusement pas le cas en France où le nombre d’entreprises de ce type, surtout dans les secteurs de haute technologie, est notoirement insuffisant, en grande partie faute du soutien que les banques devraient leur apporter plutôt que de spéculer avec l’argent des déposants. L’avenir dira si les mesures fiscales et financières annoncées par le président (financements par le grand emprunt, création d’un livret d’épargne industrie, etc.), mais également lutte contre la délocalisation et protection de la sous-traitance, parviendront à renverser la tendance et y suffiront, l’objectif - indicatif selon M. Guaino !? - étant d’augmenter de 25 % la production industrielle d’ici à 2015.

 

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La victoire du parti socialiste aux élections régionales ne pouvait faire de doute. Les résultats n’ont fait que confirmer le pronostic et ils sont venus fermer l’horizon que pouvaient ouvrir les mesures qu’entendait prendre le chef de l’État pour la sauvegarde de l’agriculture et de l’industrie nationales. À un débat entre partis de gouvernement pour le choix d’un projet politique capable de rallier l’électorat, la chienlit politicienne, comme à son habitude, a préféré la foire d’empoigne. L’enjeu socioéconomique régional, qui peut seul justifier l’existence de ce niveau de décentralisation, n’a pas fait débat, et il lui a été substitué un vote sanction visant avant tout à discréditer la personne du chef de l’État, au besoin en frappant en dessous de la ceinture comme l’a montré la campagne, certainement pas gratuite, faisant étalage d’un comportement pipole de son épouse.

 

C’est ainsi que de régional le vote est devenu « national » pour l’opposition, sans convaincre pour autant une majorité de l’électorat, restée dans l’abstention. Le parti de Mme Brochen, ex-Aubry*, a pu dès lors remporter largement le premier tour, devançant de façon significative celui du président qui ne disposait pratiquement d’aucune réserve de voix pour le second tour, hors la mobilisation douteuse d’un nombre suffisant d’abstentionnistes. De leur côté, les Verts se voyaient confirmés dans leur rôle d’incontournable mais dérangeant second parti d’opposition, tandis que le Front National, présent au second tour dans plusieurs régions, appelait à voter pour lui afin de conserver quelques sièges d’élus régionaux, faisant ainsi le jeu de la gauche au dépens de toute la droite. La messe était dite !

 

Le second tour ne pouvait donc que confirmer les résultats du premier et l’échec de la tentative du parti présidentiel de reconquérir certaines provinces perdues antérieurement de justesse. Une partie de l’électorat est retourné au Front National, qui a ainsi confirmé son rôle d’allié objectif de la gauche. Aussi, à l’issue de telles élections, compte tenu de l’absence d’un réel débat sur les enjeux régionaux et de la très forte abstention qui pour partie en est résultée, le bilan n’incite-t-il pas à l’optimisme, s’agissant de l’avenir de la démocratie. Non pas qu’il s’agisse de remettre en cause les résultats du scrutin s’agissant de votes régulièrement émis, mais bien de se poser la question de à quoi peut conduire cette désaffection grandissante de l’électorat pour l’exercice de ses droits institutionnels**. Y renoncer n’ouvre en effet d’autre perspective que la soumission à un nouveau totalitarisme, vert et quelque peu trotskiste ou anarchiste sur les bords, dont on voit bien qu’il est en train de s’imposer en terrorisant l’opinion avec la complicité de médias peu scrupuleux. À force d’enfermer le jeu politique dans un climat de guerre civile, la gauche finira par récolter ce qu’elle n’a cessé de semer, et cela au moment où plus que jamais le rassemblement du peuple français sur des objectifs de bon sens (voir les propositions de Claude Allègre) est l’indispensable recours pour assurer sa survie.

 

En définitive, cette péripétie électorale n’aura fait que confirmer le dévoiement du Parti Socialiste qui, imbu de ses présidences régionales, en est venu à ressusciter l’affrontement des Girondins contre les Montagnards et à se comporter en parti de guerre civile au lieu de jouer le rôle d’opposant constructif. La haine viscérale quelque peu raciste à l’encontre de Nicolas Sarkozy, descendant d’immigrés, a servi de support à ce sectarisme obtus. C’est que, pour revenir au pouvoir, l’opposition ne s’interdit aucun moyen, même le plus déloyal, oubliant parfois ses propres imprudences. Pour ne prendre qu’un exemple, attaquer sans cesse le président sur ses dépenses conduira tôt ou tard à s’intéresser à celles des élus de la nouvelle gauche plurielle. Et là, certains excès ne manqueront pas de faire surface : à commencer, pour ne citer qu’un cas, par la construction du nouveau siège de la région Rhône- Alpes (124 millions d’euros ; 30 % plus cher que prévu ; 1.200 agents !). Beau sujet de réflexion pour le nouveau président de la Cour des Comptes !

 

 

 

*Martine Aubry, fille de Jacques Delors, est l’épouse en secondes noces de Me Jean-Louis Brochen, surnommé l’ « avocat des islamistes » par les Maghrébins laïcs de l’agglomération Lille-Roubaix pour être le défenseur attitré des musulmans fondamentalistes devant les tribunaux. Ce faisant, Me Brochen reste dans son rôle d’avocat, mais la question se pose de savoir si le militantisme dont il témoigne est sans influence sur son épouse. Or il semble bien que, malgré l’intransigeance du parti qu’elle dirige lorsqu’il s’agit de défendre la laïcité, valeur hautement républicaine, celle-ci soit prête à toutes les concessions envers les islamistes (exemple : piscine réservée aux femmes à Lille même). Pour des raisons électoralistes sans doute, auxquelles il faut rattacher son insistance à obtenir le droit de vote aux élections locales des étrangers hors Union européenne, stratégie évidente de confiscation définitive du pouvoir à terme.

 

Autre exemple tout aussi inquiétant : en février 2009, le journal La Voix du Nord ayant annoncé la participation à l’ouverture d’Euratechnologies de scientifiques israéliens venant d’Haïfa, ville jumelée à Lille, mondialement connue comme éminent centre de recherches et comptant déjà deux prix Nobel de chimie, Martine Aubry a immédiatement assuré les milieux islamistes de sa ville qu’il n’en serait rien. On est dès lors en droit de se demander ce qu’il adviendrait tant sur le plan intérieur que sur celui de la politique étrangère de la France si d’aventure Martine Aubry accédait un jour à la présidence du pays en compagnie de son prince consort : la France s’associerait-elle aux pays qui veulent la destruction de l’État d’Israël ? Il y en a qui devraient se poser la question au parti de Léon Blum !

 

 

** Selon Challenges (n° 205 du 25 mars), « 72 % des électeurs de dix-huit à trente-quatre ans se sont abstenus aux élections régionales ». Comme dit l’autre, voilà qui interpelle !

 

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07.04.2010

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