PAYS-BAS,

PAYS-BAS,

le Gouvernement renversé par les Talibans

 

par Luc Beyer de ryke,

 

Le Gouvernement néerlandais est tombé. La belle affaire direz-vous ! Tout au plus une péripétie propre à justifier une « brève » de dix lignes dans un quotidien. Ce sera sans doute votre premier mouvement. « Le bon » affirmait Talleyrand. En quoi, cette fois, il aurait eu tort. Ce qui vient de se passer à La Haye est tout à fait inusité. Certes, c’est la quatrième fois que Jan Peter Balkenende, l’inamovible Premier ministre néerlandais, doit remettre sur pied sa coalition démocratechrétienne/ socialiste. Mais c’est la première fois qu’un gouvernement trébuche et tombe en raison de sa politique extérieure. Ce sont les Talibans qui ont renversé Jan Peter Balkenende en tuant le vingt et unième soldat depuis2006, date d’envoi du contingent destiné à « sécuriser » la dangereuse région de l’Ourusgan, au centre du pays.

 

C’est là que les Pays-Bas ont établi leur base Kamp Holland pour abriter les mille neuf cent quarante hommes du contingent. Jusqu’ici, sur l’Afghanistan, les chrétiensdémocrates de Balkenende et ses partenaires socialistes s’entendaient cahin-caha. Les premiers se montrant plus accessibles aux pressions américaines que les seconds. Le vice-président Joe Biden, Hillary Clinton, l’ambassadeur us auprès de l’otan Ivo Daalder, l’émissaire américain pour l’Afghanistan et le Pakistan Richard Holbrooke se sont succédés pour rappeler La Haye à ses obligations militaires. Ces derniers mois ils ont fait flèche de tout bois. Les uns par la voix des canaux diplomatiques traditionnels, les autres en se faisant interroger par les médias néerlandais.

 

Turbulences parlementaires

 

Rien n’y fit. Le Gouvernement était sous la pression d’élections. Les unes, législatives anticipées, en mai ou juin ; les autres, municipales, se sont tenues le 3 mars. Il est intéressant d’en scruter le résultat. Dans le régime parlementaire néerlandais le fractionnement des partis est grand et les coalitions sont de règle. Les socialistes alliés aux démocrates-chrétiens, soit le Party van de Aarbeid (pvda), Parti du Travail, se voit mis l’épée dans les reins par le Socialistische Party (sp), Parti Socialiste, beaucoup plus à gauche. Devant les élections toutes proches, sentant venir le vent du boulet, les partenaires de Balkenende ont durci le ton sur l’engagement en Afghanistan. La corde s’est tendue.

 

Elle a cassé. Dans l’opposition aussi le ton a monté. Les Libéraux « officiels », du vvd, Party voor de Vrykeid, Parti pour la liberté, voient leur électorat disputé par un dissident, Geert Wilders. Son visage poupin, ses cheveux décolorés sont connus de tous les médias. Il est devenu une figure du Ghota populiste et de l’extrême-droite européenne. L’islamophobie est son cheval de bataille accouplé au thème de l’immigration. « Pourquoi, clamet’il, risquer la vie des nôtres en Afghanistan alors que les islamistes sont chez nous ? » « C’est ici sur notre sol, dit-il en substance, que nous devons les combattre ! » Voilà les Pays-Bas en zone de haute turbulence.

 

Et les pays voisins ?

Une turbulence qui peut gagner les pays voisins. La Belgique, par exemple, bonne élève de l’Alliance atlantique. Il y a environ six cents militaires en Afghanistan et quelques pilotes d’élite. Deux soldats légèrement blessés voici plusieurs mois déjà sur l’aéroport de Kandahar n’ont produit qu’une fièvre passagère. Une émotion vite oubliée. Fin février un militaire a été blessé… en manipulant son arme de service. Un épisode qui rappelle Tintin et L’oreille cassée où un caporal se blessa avec une épine de cactus… Tant qu’on en reste là peu de chose à redouter dans les milieux de l’otan à propos d’une remise en cause de l’engagement militaire belge. Et la France ? Avec la mort du jeune chasseur-alpin du13e bca de Chambéry nous en sommes au quarantième soldat français tué depuis le début de l’intervention en2001. Trois mille cinq cents militaires sont déployés dans la vallée d’Alasay, en Kapisa. Les pertes se sont accrues. On n’a pas oublié les honneurs rendus il y a quelques mois dans la cour des Invalides aux dix soldats tués par les Talibans. Des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour s’interroger ou pour contester l’engagement en Afghanistan. L’Élysée tient bon.

 

Peut-on gagner la guerre ?

Reste qu’on peut se poser la question : ce conflit est-il gagnable ? Pourquoi Obama, partisan d’un désengagement graduel en Irak, est-il en faveur d’un renforcement des opérations en Afghanistan ? Surtout lorsqu’au vu de l’Histoire on se rappelle que les Britanniques s’y sont cassés les dents et que l’urss y a trouvé son « Vietnam ». Les américains en sont à leur millième mort ! Selon la secrétaire générale adjointe de l’onu « un enfant meurt chaque jour en Afghanistan, victime des bombardements, des combats, des attentats-suicides ». Le régime appuyé par l’Alliance est une branche pourrie. Ahmed Karzai est un président élu par défaut… et malhonnêteté. La corruption est partout. La population est prise en tenaille et la coalition au piège. Nous nous efforçons de former une armée afghane prête à prendre la relève. Dans la récente opération Mushtarak, par les Américains, les unités afghanes, des pelotons, n’ont guère joué qu’un rôle de supplétifs ; aptes à conduire des perquisitions et à débusquer des Talibans, incapables de monter eux-mêmes une opération. Nous assistons au cycle inlassablement répété de toutes les guerres perdues d’Afrique et d’Asie, à commencer par le Vietnam.

 

Mettre en question « la guerre afghane » n’est pas à mas yeux une question de principe mais de réalisme. La démocratie, contrairement à ce que pense et veut l’Amérique ne s’exporte pas dans les bagages d’un corps expéditionnaire. C’est une illusion.

 

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10.03.2008

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