Monsieur
le
Premier est mort. C’est l’usage de nommer ainsi le Premier président de la Cour
des Comptes. C’est en cette qualité que Philippe Séguin aura, à soixante-six
ans, prématurément terminé sa vie terrassé par une crise
cardiaque.
L’hommage
qui lui est rendu est unanime. J’aimerais y joindre celui de l’Académie du Gaullisme. Mon émotion est double. La mienne
d’abord, ressentie personnellement pour l’avoir rencontré et dialogué avec lui à
diverses reprises. Mais plus intense encore est l’émotion éprouvée d’écrire ce
qu’eut dit mon vieil et fidèle ami Jacques Dauer.
À
la mort de Jacques, Philippe Séguin avait adressé à sa fille Corinne un mot
sensible témoignage de la tristesse, de la vraie affliction qu’il ressentait. Ce
qui ne pouvait surprendre. L’un comme l’autre étaient des caractères trempés,
des gaullistes de conviction emplis d’amour de la France, épris du sens de
l’État.
Philippe
Séguin à deux reprises, en décembre 2000 et le 18 juin 2003 avait, à
l’invitation de Jacques, été l’hôte de nos dîners-débats. Le 18 juin… La date
avait valeur de symbole. Jacques m’avait confié le soin d’être le « notaire » de
cette soirée mémorable et d’en assurer la relation. À la relecture du texte
publié alors j’épingle les paroles de Jacques prononcées devant l’affluence des
grands jours. Il saluait ce qu’il appela « le retour » de Philippe Séguin et lui
dit, tout vibrant de cette passion qu’on lui connaissait que l’Académie
« l’accompagnerait s’il décidait d’emprunter le chemin conduisant à l’Élysée
».
Ce ne fut pas. Pour que cela fut il eut fallu selon les
paroles du Général de
Gaulle « la rencontre d’une volonté et d’un événement
».
En
déroulant le film de la vie et de la carrière de Philippe Séguin on éprouve
au-delà du rôle marquant, éminent qu’il joua un sentiment d’inachevé, de
rendez-vous manqués. Philippe Séguin était aux antipodes de ces « politichiens » cruellement mis au pilori par de Gaulle. Il
se faisait une très haute idée non seulement de la France mais de la politique.
Étaitelle trop exigeante pour accéder aux honneurs
suprêmes ? S’il en fut ainsi on ne peut que s’en affliger. Il n’a pas ménagé
coups et rudesses aux siens lorsqu’il les voyait s’écarter des chemins du devoir
et de la rectitude.
Ce
ne fut pas oublié. Philippe Séguin n’accéda pas à Matignon et moins encore à
l’Élysée. On ne refait pas l’Histoire mais sans
vouloir solliciter l’éloge on peut croire qu’il eut honoré les charges suprêmes
de la République.
Comme
il le fit pour la présidence de la Cour des Comptes où Jacques Chirac le nomma
en 2004. Il fut un surveillant général des finances sourcilleux et rigoureux. Le
rôle était à sa mesure. Il pouvait prétendre à plus. La France
aussi.
L’hommage
posthume qui de toute part lui est rendu porte comme la marque d’une mauvaise
conscience et d’un regret inassouvi. Celui denever more, du
« jamais plus » d’une illusion perdue et d’une occasion manquée.