TRISTES TEMPS

PAGES GRISES

 

par Luc Beyer de ryke,

 

Le ciel de novembre a pris ses couleurs de deuil. Elles s’accordent à l’actualité. Devant la page blanche qui suscitait les affres de Mallarmé les interrogations m’assaillent. Offerts au choix de l’éditorialiste les thèmes se pressent et se bousculent. Ce qui lui laisse la faculté de les effeuiller et d’en aborder plusieurs. Un de mes amis palestiniens, chaque fois que nous nous voyons me rappelle le mot de l’humoriste Alphonse Allais que je lui avais cité : « Les choses s’arrangent toujours mais mal ! ». C’est ce que peut se dire Barak Obama. De fait le Nobel est pour lui un prix d’encouragement. Il en a besoin. Les obstacles s’accumulent en politique intérieure. Son charisme suffira-t-il à les surmonter ? Poser la question n’est-ce pas y répondre ?

 

Pour ce qui est de la politique extérieure, qu’il s’agisse de l’Afghanistan ou du conflit israélo-palestinien, l’optimisme, pour ceux qui y croient encore, s’est mis en berne. Pour les parangons d’une démocratie qu’ils veulent exporter, fut-ce par le fer et par le feu, les États-Unis doivent se satisfaire d’un Hamid Karzaï proclamé élu… par défaut, avec les Talibans aux portes de Kaboul. Hamid Karzaï est président, la corruption est reine, le trafic de drogue fleurit comme les pavots et les soldats de la coalition y perdent leur crédit… et leur vie.

 

Pour ce qui est du conflit israélo-palestinien, je songe à ce qu’Élie Barnavi disait lors du dîner-débat auquel , à l’académie, il participait avec Hind Khoury : « Il faut tordre le bras à Israël, sans quoi il n’y aura pas de paix possible. ». C’est ce que Barak Obama eut l’intention de faire lorsque sa secrétaire d’État et lui-même intimaient le gel des colonies à Israël. C’était la condition d’une reprise du dialogue avec les Palestiniens.

 

Côté israélien on s’est raidi. Au point qu’Avigdor Lieberman, ce ministre des Affaires étrangères qui, jadis, parlait de bombarder le barrage d’Assouan, entreprenait cette fois de jeter les bases d’une alliance alternative pour faire pièce aux Etats-Unis. Du vent ? Peut-être, sans doute. Mais le bluff a payé. Hilary Clinton s’est ralliée à la promesse proclamée « sans précédent » de Benjamin Netanyahou d’une simple « limitation » de la colonisation. Aussitôt le vice-ministre des Affaires étrangères, bras droit de Lieberman, a exulté. « La preuve est faite que les Etats-Unis sont nos meilleurs amis et que l’attitude ferme d’Israël est payante.» En foi de quoi Mahmoud Abbas, pourtant souvent pusillanime, s’insurge. Mais il a beau faire, le Hamas et les islamistes radicaux marquent un point. Les juges et le Pouvoir J’évoquais en exergue la page blanche de Mallarmé. Elle se noircit. Dans tous les sens du terme, au propre comme au figuré. « Je crois au sérieux de la vie » proclame un des personnages de Montherlant dans La relève du matin.

 

Lorsque j’écris, devant moi, sur mon bureau, je contemple souvent cette photo ou, au seuil de l’église de Colombey, je serre la main du Général de Gaulle. Il serait déraisonnable et abusif de se livrer à l’hagiographie. On peut être gaulliste sans y céder. La raison critique est une des valeurs essentielles de notre civilisation. Il n’en demeure pas moins qu’en regardant ce portrait, qu’environne le souvenir de ma propre vie, je songe au personnage de Montherlant. Si je le fais c’est pour le comparer – et l’opposer – à tous les hommes politiques de sensibilités diverses qui, ces dernières années et aujourd’hui, ont maille à partir avec la Justice. Eut-on imaginé de Gaulle traduit devant un tribunal pour trafics, frais de bouche ou recours à des emplois fictifs ? Avant d’être sacrilège le seul fait de l’évoquer est avant tout dérisoire tellement il eut relevé d’une fiction malséante.

 

Aujourd’hui la chose est fréquente. L’actualité judiciaire se confond à bien des égards avec l’actualité politique mais l’on m’autorisera à une réflexion dont j’admets parfaitement qu’on puisse la discuter et la contester. Le premier responsable d’un acte est de toute évidence celui qui l’a commis. Mais, dans le cas de Jacques Chirac qui s’en défend, le juge ne se livre-t-elle pas à un acharnement judiciaire ? N’existe-t-il pas une prescription de fait à défaut de prescription de droit ? Les temps ont changé. Et les pratiques. Les législations ont évolué. L’affaire, avec le recul, apparaît lointaine et subalterne.

 

La France a-t-elle à gagner de voir un ancien Président de la République jugé, voire condamné pour avoir quelque peu trafiqué sur l’intendance ? Vingt ans après, la cause me semble davantage relever du Cabaret des Deux-Ânes que de la correctionnelle. Ce qui n’est pas, de ma part, une approbation du délit mais, dans cette affaire, le temps ma paraît faire office de juge de paix. Quant à l’affaire Clearstream bien malin celui qui prétendrait saisir le fil d’Ariane de la vérité. Mais après les débats, les arguments et contre-arguments exposés, développés, le sentiment d’assister à un procès politique s’impose.

 

Peut-être la réflexion est-elle un peu courte mais l’Histoire enseigne que le roi de France a tout à gagner à oublier les injures faites au duc d’Orléans. Le roi de France ? La France tout simplement

 

      Réagir à l'article :
 


12.11.2009

Free counter and web stats
HTML Web Counter