TRISTES TEMPS

TRISTES TEMPS

 

par François Lardeau,

 

Tristes temps que ceux d’anniversaire quand il s’agit de se rappeler la disparition d’un ami particulièrement cher comme Jacques Dauer. Un an déjà. Merci à Georges Aimé et à Paul Kloboukoff de marquer celuilà, l’un, d’une lettre adressée au disparu qui dit combien il reste présent parmi nous et dans nos coeurs, l’autre, d’une recension des hommes illustres qu’il se plaisait à évoquer. Son club des dix-huit, en somme !

 

Comme Paul Kloboukoff, j’ai quelque étonnement à y voir figurer Charles IX (1550-1574) qui ne sut pas empêcher le massacre de la Saint-Barthélémy, monument d’intolérance si contraire aux valeurs dont notre pays aime tant à se réclamer… Cet avant-dernier Valois, Valois-Bourbon en fait, donc Valois de deuxième rang si l’on peut dire, incapable de se soustraire à la domination maternelle, n’eut jamais la dimension et la fermeté nécessaire pour faire face aux antagonismes religieux qui ensanglantèrent la seconde partie de son règne et qui ne trouvèrent un apaisement (relatif) que bien plus tard, avec l’avènement du premier des Bourbons, Henri IV, et l’édit de Nantes.

 

 Il me semblait, et ce fut longtemps un sujet d’âpres discussions avec Jacques, que la période antérieure, celle notamment des premiers Valois, de Philippe VI (1328-1350) à Charles VIII (1483-1498), le successeur de Louis XI, avait été bien plus fondatrice du royaume dans sa pleine dimension géographique et étatique. Mais cette période recouvrait toute la guerre de Cent ans et, pour Jacques, celle-ci se résumait au calamiteux traité de Troyes (21 mai1420), initié par la reine Isabeau et signé par Charles VI, le roi fou, et c’est ainsi que ce dernier, en gros cantonné au sud de la Loire, partagea pour un temps la France avec le roi d’Angleterre, Henri VI, héritier « légitime » du domaine des Plantagenêts et maître de Paris, et avec l’État bourguignon, de fait indépendant. Pour ce moment de notre histoire, les historiens parlent des trois France… Cela jusqu’au retournement de la situation militaire et au couronnement de Charles VII à Reims, initiés par Jeanne d’Arc.

 

En fait, Jacques Dauer ne s’intéressait pas à l’histoire événementielle, souvent marquée comparable, politiquement, à la défaite de 1940, suivis de réactions libératrices comme celle que sut provoquer en son temps le Général de Gaulle. Pour lui, au regard du long temps qui couvre l’histoire d’un pays, cela n’était que péripéties. Marqué par son ascendance franc-maçonne à laquelle il se référait constamment, évoquant son père et son grandpère et leurs leçons de vie, seul comptait vraiment pour lui le débat d’idées qui sous-tend cette Histoire, et donc en premier l’apport des philosophes qu’il considérait comme des pères fondateurs. Aussi, n’estce pas pour rien que l’on retrouve, dans la recension de Paul Kloboukoff, Platon et Aristote, Cicéron (usque tandem…, la si célèbre apostrophe !) et Marc- Aurèle (le culte de l’amitié), Montaigne et Descartes, Malebranche, Bergson… Manque curieusement en effet (est-ce la faute à Voltaire ?), une référence au siècle des Lumières dont Jacques Dauer était pourtant un parfait héritier, à la fois paradoxalement d’une intransigeance extrême, pour ne pas dire extrémiste, et d’une tolérance non moins extrême à l’égard de tous. Sa curiosité était toujours en éveil comme le montrent les très nombreuses recensions d’ouvrages qu’il a publiées.

 

Bref, c’était vraiment une bonne idée que de faire cette recension à l’occasion de ce premier anniversaire. Remercions-en l’auteur. Elle nous a opportunément invité à « revisiter » l’ami disparu et à prendre une mesure plus complète de l’incontestable richesse du personnage et de sa leçon de vie toujours à méditer.

 

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12.11.2009

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