«
Et si nous parlions ensemble du gaullisme ? Nous
qui ne sommes pas grand-chose, qui appartenons à la société civile, disent les
profiteurs du gaullisme avec le mépris qu’ils ont à l’égard du peuple. Le
gaullisme, c’est avant tout la confiance en l’avenir et par là même dans la
Nation ; c’est à la fois la monarchie et sa tradition, la république et sa
continuité historique, l’Appel
du 18 Juin c’est
tout cela. On comprend immédiatement que cet Appel
est
un immense cri pour la Liberté, donc pour la souveraineté et l’indépendance
nationale, mais le respect du peuple, c’est aussi l’appel à la participation
dans tous ses aspects, sociaux, économiques, politiques. Le18 juin 1940, de
Gaulle lança son Appel
en
priorité aux élites, elles ne répondirent point, ce fut comme d’habitude dans
les grands moments de l’Histoire, les mains calleuses qui relevèrent le défi,
les marins de l’île de Sein en sont l’illustration ; mais nous ne saurions
oublier l’honneur d’un d’Estienne-d’Orves et de
quelques autres, Cassin, Leclerc, Koenig, etc. Nous sommes ces calleux
et
ces Cassin,
Leclerc, Koenig, etc.
Nous lutterons toujours contre le « national pétainisme » de nos
politiciens.
Le
gaullisme, c’est Antigone plus que Périclès, Platon plus qu’Aristote, Cicéron ou
Marc-Aurèle plus que César, Clovis plus que Charlemagne, Philippe le Bel plus
que Charles IX, Richelieu plus que Napoléon, Montaigne et Descartes plus que
Sartre, Malebranche autant que Bergson. Le gaullisme, c’est la pérennité de la
France, l’universalité de son génie, le passé que nos « élites » récusent, qui
forment le présent et engrangent pour l’avenir, cela s’appelle la tradition ;
c’est pour cela que la France doit être souveraine et indépendante, même si elle
peut suspendre – temporairement et pour des objectifs précis -, sa souveraineté
dans un ensemble comme l’Europe.
Encore
faut-il que cet ensemble sache se battre pour son indépendance, pour sa
spiritualité, donne aux peuples qui la composent l’envie de préparer le présent
pour se mesurer à l’avenir, refuse la dictature d’une oligarchie totalitaire et
méprisante. Ces pauvres minables oublient que le passé c’est une réalité, que le
présent est fugitif donc une réalité fragile et que l’avenir n’est pas un
imaginaire, mais une virtualité. »
∴
L’Appel
du 18 Juin a annoncé la naissance du gaullisme. Rendre hommage d’abord aux
premiers, civils et militaires, qui avaient rejoint le Général à Londres et
s’étaient ralliés à celui qui lançait le mouvement national de lutte et de
résistance, est toujours bienvenu. Car, si de grands militaires comme le
maréchal Leclerc et le général Koenig se sont illustrés avec éclat sur des
champs de bataille et sont assez bien connus des Français, il n’en est pas
forcément de même d’autres héros qui ont formé l’avant-garde de cette force
française de la lumière et de l’ombre, qui se sont dévoués, exposés, et/ou ont
perdu leurs vies pour que la patrie soit libérée et revive. En réponse à
l’Appel,
la totalité des cent vingt-quatre pêcheurs de l’Ile de Sein quittèrent leur île
avec leurs bateaux pour gagner l’Angleterre. Honoré d’Estienne-d’Orves, officier de marine, envoyé en mission en
France, fut pris par la Gestapo et fusillé le 29 août 1941. René Cassin fut
commissaire national à la Justice au Comité de Londres en 1940. Il exerça de
hautes fonctions : vice-président du Conseil d’État, président de la Cour
européenne des droits de l’homme. Il reçut le prix Nobel de la Paix en 1968. Ce
sont des exemples, car il eut d’autres ralliements, d’autres combattants,
d’autres serviteurs décidés et efficaces, ainsi que d’autres sacrifices. Des
exemples de personnalités exemplaires qui ont contribué à ce que gaullisme soit
aussi synonyme d’exemplarité.
Exemplaires,
proches ou plus lointains des idéaux gaullistes, sont également les dix huit
personnages mythiques ou historiques cités au deuxième paragraphe. Ils jalonnent
le parcours de l’histoire qui a forgé la France. Ils ont été des acteurs
déterminants de cette histoire dont ils ont influencé, accéléré ou dévié le
cours. Pour J.D., le gaullisme en a retenu le meilleur, que onze figures ont
personnifié plus ou mieux que les autres. Si le choix des onze indique des
préférences dans les motivations, les buts, les actes accomplis, les résultats
et leurs conséquences, il n’implique pas nécessairement le rejet ou la
condamnation sans appel des sept autres, ni une critique systématique de tout ce
qu’ils firent, de ce qu’ils furent et de ce qu’ils représentent encore. Une
femme ouvre la liste des personnages exemplaires,
Antigone, héroïne
de la mythologie au destin tragique. Elle incarne à la fois l’amour et la force
des liens au sein d’une famille, pourtant déchirée par le combat à mort entre
ses deux frères rivaux pour la fonction de roi de Thèbes, leur patrie, le
respect de l’homme et des traditions sacrées ainsi que le courage et la
détermination, acceptant jusqu’au sacrifice suprême pour une cause juste. Elle
fut condamnée à être enterrée vivante pour avoir donné une sépulture à son frère
Polynice tué devant Thèbes qu’il voulait prendre. Cette évocation condamne aussi
l’impitoyable et stérile cruauté d’un tyran.
L’ordre
chronologique dans lequel sont cités les acteurs est l’un des indicateurs de la
continuité historique. Notre société, nos valeurs et notre langue sont
imprégnées de celles des civilisations grecques et latines de l’Antiquité. Avec
celles apportées par le judéo-christianisme, et celles venues avec les progrès
de la science et de la culture, elles en sont l’héritage, elles constituent les
fondements sur lesquels se sont édifiées la France, la Nation française, et une
grande partie de l’Europe. L’histoire a aussi été marquée par des personnalités,
hommes et femmes, d’exception. Les gaullistes en sont conscients. C’est une des
raisons fortes de l’attachement au Général de Gaulle et de l’espoir sans cesse
renouvelé de retrouver un président à la hauteur de la tâche qu’il aura à
accomplir. On ne peut renier ou oublier ce passé de plus de vingt-cinq siècles.
Il pèse lourd auprès de l’éphémère présent dans la détermination du futur.
Malgré l’accroissement effrayant des moyens de destruction massive, les folies
de certains hommes, ou monstres, la faiblesse, la corruption et/ou les instincts
grégaires de populations qui, de gré ou de force, les ont suivis, ont exécuté
leurs ordres et partagent les responsabilités des hécatombes et des actes de
barbarie qui ont fait des dizaines de millions de victimes pendant le vingtième
siècle.
Le
passé fait face à la mondialisation et à la construction actuelle de l’U.E.,
dont les tenants prônent l’abandon de sa personnalité nationale, de son éthique,
de sa souveraineté, de son indépendance, des ressorts « traditionnels » de son
développement pour s’abandonner, dans un moule, un modèle unique déshumanisé,
sous la domination d’un grand capitalisme financier avide, cynique et sans pitié
pour les plus faibles. Pourtant, leur système vacille et est menacé
d’implosion.
DES
CONQUÉRANTS ET DES HOMMES D’ÉTAT DE L’ANTIQUITÉ ET DE L’HISTOIRE DE
FRANCE
Il
n’est pas étonnant que les plus grands conquérants ne puissent être regardés
comme des modèles pour le gaullisme. Car, sans méconnaître leurs éventuels
mérites en tant que chefs d’État, d’organisateurs, de juristes, de bâtisseurs,
d’innovateurs au service de leurs cités ou nations, leurs qualités de stratèges
ont aussi servi des ambitions souvent démesurées et, surtout, les agressions et
les invasions qu’ils ont commandées ont répandu la mort, la souffrance, la
destruction, la désolation, l’asservissement et l’esclavage. Ils ont aussi pu
saigner leurs propres pays. Et ceci à une grande échelle. Nous sommes très loin
des idéaux de justice, de paix et de liberté du gaullisme. Bien sûr, plus que
des nuances différencient leurs époques, les contextes et leurs actes. Sans
surprise, les dix huit personnages nous rappellent, même sous les règnes de
souverains considérés comme plus pacifiques, ou moins agressifs, la quasi
permanence des conflits, des guerres, des « alternances », des mouvements
browniens qui ont engendré et perpétué l’instabilité, qui ont fait de l’Europe,
des pays, des cités, des territoires… des terrains mouvants en proie aux
dominations, courtes ou prolongées, des différents protagonistes. Jusqu’à
l’Europe et la France de nos jours, l’histoire ressemble à une succession de
péripéties.
En
suivant ces personnages choisis, on est frappé par la place qu’ont occupée la
chrétienté et les religions dans les séquences de l’histoire qui sont évoquées.
Avec les progrès qu’elles ont pu apporter, mais aussi les abus d’autorité, les
divisions et les répressions de ceux qui ne voulaient pas se plier à la tyrannie
régnante, à la pensée unique imposée et désiraient « simplement » avoir la
liberté d’action, de pensée, de croyance et de culte. Les personnages préférés
ont fait naître et grandir la France et la Nation française. Leurs leitmotivs
ont été pacification, unification sous une seule autorité, pouvant aller jusqu’à
l’absolutisme, renforcement des institutions.
Le
« Siècle de Périclès
»
(Ve
siècle
avant J.-C.) ! Cet Athénien a contribué à porter à leurs apogées la puissance
navale et coloniale d’Athènes, ainsi que la civilisation grecque, au prix,
notamment de guerres sanglantes avec les Perses et Sparte. Au 1er
siècle
avant J.-C., Rome étendait sa domination bien au-delà des bords de la
Méditerranée. Jules
César, consul
puis imperator, dictateur, était parvenu à cumuler tous les pouvoirs. Empereur
romain « le plus connu », homme d’État réformateur, « extraordinaire » et «
écrivain de génie », disent certains, il a eu un parcours parsemé de guerres et
de conquêtes, en Gaulle en particulier. Il y a introduit la civilisation galloromaine, l’organisation et la modernisation. Jalousé et
redouté, il a fini poignardé par Cassius et Brutus au
Sénat.
Clovis
(
465-511)
a pu être vu comme un roi cruel et ambitieux ou, à l’opposé, comme un roi très
chrétien, paré de vertus sacrées, presque un saint… s’il n’avait pas été un
guerrier. Sa conversion au christianisme (entre 496 et 499), son baptême et son
couronnement par l’évêque de Reims l’ont rendu célèbre. De nos jours, il est
surtout considéré comme le premier roi, le premier chrétien et le premier des
Français. L’histoire de France commencerait ainsi en 496, il y a plus de mille
cinq cents ans. Clovis a voulu régner sur toutes les Gaules. Il a battu le
général romain Syagrius à Soissons (486), les Alamans à Tolbiac (496), les
Burgondes (500), les Wisigoths à Vouillé (507). Des guerres de libération et
d’unification, en quelque sorte. Il a pris pour épouse Clotilde, fille du Roi
des Burgondes. Roi des Francs en 768, puis Empereur d’Occident de 800 à 814,
Charlemagne
fut
un administrateur et un législateur hors du commun. Il aida à implanter et à
diffuser le catholicisme (y compris dans les territoires conquis) et protégea
l’Église, gardienne de la civilisation gréco-romaine. Il en fit un instrument de
sa « politique de rénovation culturelle ». Il créa des écoles au sein des
cathédrales et des monastères. Son Empire fut conquis par les armes : Saxe,
Bavière et Frise, d’abord, soumission des Avars de Pannonie, puis conquête du
nord de l’Ebre en Espagne, pris aux Musulmans. L’empire survécut peu de temps à
la mort de Charlemagne.
La
sélection de Charles
IX (1550-1574)
parmi les dixhuit peut étonner. Devenu roi à dix ans,
faible, chétif, emporté par la maladie à vingt-quatre ans, il fut effacé par sa
mère Catherine de Médicis qui, en réalité, exerça le pouvoir à sa place. Sous
son règne, les guerres de religion se sont envenimées. Certes, la régente et le
roi tentèrent d’abord d’imposer la paix et la liberté de culte, mais sans
succès. Des intrigues et leur affolement après l’échec de leur tentative de
faire assassiner Coligny, défenseur de la cause huguenote, les poussèrent à
faire ordonner par Charles IX, l’élimination de tous les chefs protestants.
L’horrible massacre de la Saint- Barthélemy (1572) fit monter l’intolérance, la
haine et les persécutions à leur paroxysme et les étendit à toute la
France.
Le
gaullisme, lui, prône et défend la tolérance ainsi que la liberté de pensée et
de culte, qui, avec la séparation entre l’Église et l’État, sont des composantes
essentielles de la laïcité, devenue une valeur nationale de la
France.
Philippe
Le Bel (1268-1314),
« le roi de fer », premier roi à régner sur la France et la Navarre, a été
redouté et peu aimé de son vivant. Il est considéré comme un chef d’État
exceptionnel, le premier des souverains modernes, dont le réalisme politique
était fondé sur la toute puissance de l’État. Centralisateur, il a réformé en
profondeur la justice et l’administration, a doté les finances d’un budget
annuel et d’un Trésor amélioré. Il a imposé son autorité aux grands vassaux et
leur a interdit de battre monnaie. Il a donné aux serfs la possibilité de se
libérer en se rachetant, d’une part, et à toute personne de devenir sujet direct
du roi, d’autre part. Il a institué les États du Royaume et s’est appuyé sur les
trois ordres (Noblesse, Clergé et Tiers-État), notamment dans le violent conflit
avec la papauté, dont il déniait toute autorité sur la France, à une époque où
le pape essayait de s’imposer comme « l’empereur des rois ». Après le coup de
force contre Boniface VIII, suivi de la mort de celui-ci, il a amené la papauté
à se déplacer de Rome à Avignon, la plaçant sous la tutelle du roi. Enclin à
l’entente et à la négociation avec les puissances étrangères, plutôt qu’à la
force, il fut cependant en guerre contre la Flandre et
l’Angleterre.
Pour
financer ses coûteuses réformes, il a accompli des actes condamnables, voire
ignobles, qui ont terni son image : spoliation des juifs et des banquiers
lombards, manipulations de la monnaie, procès contre les Templiers (1307-1314),
dont les biens furent confisqués et les dignitaires brûlés. La malédiction
l’aurait alors poursuivi, lui et sa descendance (cf.
« Les rois maudits »). À sa mort, la France était devenue une grande puissance
moderne.
Richelieu
(1585-1642),
protégé de Marie de Médicis avec qui il fut ensuite en conflit fatal pour elle,
Cardinal avant d’être le ministre le plus influent de Louis XIII, est vu comme
un des principaux et plus habiles hommes politiques ayant gouverné la France. «
Son Eminence », aussi surnommé l’Homme Rouge », a mené un long et âpre combat
pour hausser le pouvoir du roi jusqu’à l’absolutisme et a fait de la raison
d’État un principe de gouvernement, sans scrupules et non sans cynisme. Il a mis
au pas les grands seigneurs (suppression de hautes charges, destruction de
châteaux forts, envoi d’intendants royaux dans les provinces… et exécutions de
grands). Très catholique, comme Louis XIII, il a orchestré la contre-réforme, ce
qui l’a conduit à soumettre les protestants et les priver de l’autonomie
politique et militaire qu’ils avaient acquise après l’édit de Nantes. Avant la
reddition qui a mis fin au siège de La Rochelle, capitale des protestants, une
grande partie de sa population était morte.
Au
cours de la guerre de Trente ans, cela ne l’a pas retenu de financer la Hollande
et la Suède, protestantes, contre les Habsbourg qui, au nom de la foi
catholique, étendaient leurs tentacules sur l’Europe (Autriche, Bohême,
Hollande, Espagne, Portugal…). La France entra en guerre et, finalement conquit
la Lorraine, l’Alsace, l’Artois et le Roussillon. Il a également amélioré
l’administration, la législation, et a soutenu les arts et la langue française.
Il a créé une marine et étendu les établissements coloniaux à la Nouvelle-
France, aux Petites Antilles, Saint-Domingue, la Guyane, etc. (cf.
Wikipédia). Il
n’était pas populaire et était craint. Personne ne conteste le génie militaire
de Napoléon
Bonaparte (1769-1821).
Ses victoires spectaculaires, depuis la campagne d’Italie (1796-1797), l’ont
rendu populaire, ont permis son ascension fulgurante qui l’a conduit jusqu’au
trône d’empereur (1804). Ses autres qualités et ses réalisations sont notables :
réorganisation de l’administration, de la justice (Code civil), de l’économie et
des finances, pacification religieuse, création d’institutions majeures
(université, administration territoriale, légion d’honneur, Banque de France…),
amélioration de la vie des Parisiens (marchés et abattoirs, distribution de
l’eau, nouvelles voies, ponts sur la Seine…), remodelage de la capitale,
monuments, etc. Le désastre et la fin sont venus avec l’hasardeuse guerre
d’Espagne et la suicidaire campagne de Russie ; elles ont précipité la chute
d’un empereur français à l’ambition dévorante qui a mobilisé tous les grands
d’Europe contre lui et la France. Une Europe qui a été ravagée et décimée par
les batailles, les pillages et les famines, tandis que la France était saignée
par les mobilisations successives fatales, jusqu’à celles des Marie-Louise.
C’est, assurément, cette propagation de la guerre et ses innombrables victimes
qui est la plus critiquée aujourd’hui. Au passif de
Napoléon 1er
certains
ajoutent le rétablissement de l’esclavage, tandis que d’autres lui reprochent
l’assujettissement de l’Église à l’État (Concordat
de1801).
DE
L’HÉRITAGE GRÉCO-ROMAIN ET DES PROGRÈS DANS LA PENSÉE, L’ÉTHIQUE ET LA
SCIENCE
Le
choix de neuf personnages qui ont joué des rôles décisifs dans la formation et
les avancées de la pensée, de la morale et des sciences, tend à faire ressortir
différentes valeurs et formes de l’héritage philosophique, moral, sociétal et
scientifique que la France a reçu de l’Antiquité grecque et latine, ainsi que de
la chrétienté. Et c’est surtout dans l’évolution des comportements individuels
et collectifs, dans la transmission des valeurs, grâce aux progrès de la
philosophie, des sciences et des techniques, qu’on peut voir la continuité de
l’histoire. Les fondamentaux des Anciens, leurs doctrines et leurs dogmes ont
exercé une forte influence. Entre les grands
Platon et
Aristote,
entre
le disciple de Socrate et celui de Platon, qui ont ouvert la filiation des
philosophes et des penseurs, il semble bien difficile d’exprimer une nette
préférence. Cicéron
et
Marc-Aurèle,
un
homme politique et un empereur romains ont relayé les grands philosophes grecs
et adapté leurs enseignements aux réalités de leur cité et de leur empire. Le
Moyen Âge a vu des efforts visant à faire entrer le christianisme et la
révélation chrétienne dans le cadre de la philosophie de Platon et Aristote. La
philosophie a connu un nouvel élan. Elle a aussi alimenté la Réforme en idées et
en arguments.
Treize
siècles après Platon et Aristote, Montaigne,
puis
Descartes et
Malebranche
ont
apposé de profondes empreintes en France sur la philosophie et la pensée. Plus
proche de notre époque, Bergson
a
fait progresser la philosophie dans la spiritualité et la religion. En résonance
avec le cours et les évènements du XXe
siècle, Sartre a promu des idées et des comportements, matérialisme et
engagement (surtout politique). On ne peut dissocier le très grand philosophe
Platon
(428-348 avant J.-C.) de Socrate dont il a été le plus fidèle disciple et
admirateur, dont il prolongé l’oeuvre et dont il a
fait connaître les idées à la postérité, car Socrate lui-même n’a pas laissé
d’écrit. Père de la maïeutique, art d’accoucher les esprits à l’aide de la
dialectique pour que l’homme découvre la vérité qu’il porte en lui, Socrate
avait pour devise « connais-toi toi-même ». Sa morale postulait que l’homme
était bon, que nul n’était méchant volontairement. En prenant connaissance de
lui-même, l’homme devait retrouver sa nature et sa moralité première. Il s’est
attaché à combattre l’éducation acquise sans réflexion et les préjugés des
sophistes. Condamné à mort pour impiété, il a dû boire la ciguë. Platon en a été
révolté et profondément affecté. Pour ne pas connaître un tel sort, il s’est
exilé et a voyagé pendant une douzaine d’années, a connu des fortunes diverses,
a pu être vendu comme esclave et racheté, avant de revenir à Athènes et fonder
son école de philosophie, l’Académie.
L’enseignement y a reposé sur les discussions et les débats d’idées. Platon a
écrit vingt-huit dialogues, en partie consacrés à la défense de la mémoire de
Socrate, à l’approfondissement de la théorie des idées et à la métaphysique. La
plus élevée de ces idées était celle du bien. La justice et la beauté n’avaient
aucune valeur si on ne savait par où elles étaient bonnes. Pour lui, l’univers
était le règne de l’absolu et du divin. L’homme devait essayer de se rapprocher
de l’Être
absolu, l’Intelligence parfaite, le Bien universel,
« commencement, milieu et fin de toute chose ». Fondateur de la philosophie
classique, Platon a aussi imprégné les réflexions des théologiens
chrétiens.
Pendant
vingt ans, Aristote
(384-322
avant J.-C.) a été un élève brillant de Platon. L’étendue de son savoir et de
son oeuvre (philosophie, métaphysique, théologie,
physique, sciences de la nature, anatomie, médecine, biologie, géologie,
astronomie…) ont pu le faire qualifier de « génie le plus vaste de l’antiquité
». Ses enseignements et ses écrits, sur la physique en particulier, ont fait
autorité jusqu’à la renaissance. Il a consolidé les bases de la science, élevé
le rôle de l’expérience sans amoindrir celui de la raison. Parti de la théorie
de Platon, il s’est écarté de sa méthode du dialogue ainsi que de la doctrine
des idées et de l’idéal pour rechercher la réalité dans les objets. Pour lui, la
philosophie était la science des choses par leurs causes Il liait la politique
et la morale et considérait que la forme la plus aboutie de la société était la
démocratie. Il a élaboré les principes du raisonnement déductif, ou syllogisme,
et établi des fondements de la théologie qui sont restés des références pour la
pensée médiévale juive, chrétienne et musulmane.
Qu’a-t-on
pu reprocher à ce « maître » omniscient. D’avoir été le précepteur d’Alexandre
le Grand ? D’avoir approuvé l’esclavage… quatre siècles avant J.-C. ? D’avoir
abusé de l’usage du syllogisme, d’avoir méconnu l’induction, d’avoir trop
considéré l’apparence comme la réalité ? D’avoir placé la Terre, immobile, au
centre de l’univers, contre la vision de Pythagore qui la disait en rotation ?
Peut-être surtout d’avoir laissé un héritage jugé pesant qui, pendant près de
vingt siècles, aurait entravé, retardé les progrès des sciences aussi bien
physiques, philosophiques, métaphysiques que théologiques. Ses doctrines et ses
principes, longtemps jugés incontestables, auraient servi d’arguments à des
tyrans et des inconditionnels intolérants politiques et religieux. Peu avant sa
mort, Aristote a dû s’exiler afin de ne pas être jugé et exécuté pour
impiété.
Cicéron (106
à 43 avant J.-C.), homme politique, philosophe et humaniste, est reconnu comme
le plus grand orateur de Rome, maître dans l’art de la composition ainsi que
dans l’usage de l’ironie et de l’invective dans ses discours. Avocat, il s’est
initié à Athènes aux grands courants de la pensée hellénique. Nommé questeur en
Sicile où il acquis une réputation de justice, il s’est
ensuite imposé à l’aristocratie par ses succès en tant qu’avocat et par ses
talents d’orateur, jusqu’à devenir consul. En politique, des démêlés, des hauts
et des bas ont marqué sa vie, au contact des plus puissants de son époque
(Pompée, Crassus, César, Octave, Antoine…) avant qu’il soit assassiné. « Les
auteurs anciens reconnaissent en lui le Père
de la patrie, l’homme
vertueux dans un siècle de crimes, le défenseur des lois dans l’anarchie, qui
vécut, dit Thomas, dans les orages, les traverses, le succès et le malheur…
lutta contre les tyrans… » (L’Encyclopédie
de l’Agora). Humaniste,
il a suivi des chemins ouverts par Socrate et Platon. Il a écrit des traités de
rhétorique, politiques, et philosophiques, surtout, qui introduisent dans la
littérature latine la métaphysique et la morale grecque, et où il confronte la
pensée théorique à la nécessité de l’action.
Empereur
romain aimé de son peuple, Marc-Aurèle(121-180)
aurait été appelé « divin Marc » en raison de sa bonté. La Pax
Romanalui
serait due ; cette paix qui a vu les provinces accepter la tutelle de Rome et
connaître la prospérité. Il a travaillé avec habileté à centraliser
l’administration, à assainir les finances, à hiérarchiser la société, à
humaniser la justice et à protéger les arts et les lettres. Tolérant envers les
chrétiens, il les a ensuite laissé persécuter. Grand soldat, il a chassé les
Parthes de Syrie et de Mésopotamie (166), les Germains d’Italie (168) et a
imposé la paix (171-175) aux Marcomans (Germains du sud du Danube). Ecrivain,
grand philosophe, « âme de l’empire », il a rédigé « Les pensées pour moi-même
», recueil de maximes orientées vers un stoïcisme pratique à la recherche de la
perfection. Sa morale place le bien souverain dans l’effort pour n’obéir qu’à la
raison en se rendant indifférent aux circonstances extérieures : fortune, santé,
douleur… Humaniste réputé pour sa sagesse, Michel Eyquem de Montaigne
(1533-1592),
écrivain, philosophe marquant de la pensée de la Renaissance, est avant tout
connu pour Les
Essais. «
Connais-toi toi-même » avait été une devise de Socrate. Vingt siècles plus tard,
Montaigne a consacré Les
Essais à
une profonde réflexion sur lui-même avec le souhait qu’elle soit utile à
d’autres hommes. Pour lui, stoïcien, l’homme devait suivre sa nature, sage et
équilibrée, faire face à la douleur et à l’adversité, réfréner ses passions. Le
scepticisme l’a fait douter de la science et lui a fait percevoir les
contradictions des hommes et des peuples. Sa pensée, qu’il voulait indépendante,
a recherché les clés du bonheur et de la liberté. Il a fui la politique. Mais,
le prestige que lui ont apporté Les
Essais et
sa sagesse, l’y a fait revenir. En tant que maire de Bordeaux, puis comme
médiateur du roi Henri de Navarre (futur Henri IV), qui dirigeait l’Union
calviniste, auprès d’Henri III, roi de France, pour tenter de négocier la
paix.
René
Descartes (1596-1650),
philosophe et mathématicien, a initié la philosophie moderne et a fait naître la
géométrie analytique. Sa démarche et ses pensées sont exposées dans son
Discours
de la méthode.
Aujourd’hui encore, il est fortement recommandé d’avoir « l’esprit cartésien »,
c’est à dire rationnel, rigoureux et méthodique. Pour Descartes, la méthode
analytique consistait à refuser les idées reçues, l’arbitraire, les fantaisies,
et à « n’admettre que ce qui est clairement et distinctement pensé, à décomposer
chaque difficulté en ses diverses parties et à partir du plus simple et du plus
facilement intelligible pour entrer ensuite pas à pas dans les questions plus
complexes » (L’Encyclopédie
de l’Agora, Internet).
Elle impliquait que nous pensions : « Je pense, donc je suis ». Il a soutenu les
philosophes, les physiciens, les sciences de la nature. Lui même a produit une
théorie de la genèse du monde et recherché la preuve ontologique de l’existence
de Dieu (idée de perfection). Son dernier ouvrage a porté sur l’âme et le corps,
et sur leurs interactions.
Sa
vie (comportant vingt ans de séjour en Hollande et de voyages) et son oeuvre ont été très marquées par la guerre de Trente ans (à
laquelle il a pris part en Hollande et en Bavière) ainsi que par l’intolérance
et la répression en France par l’inquisition des philosophes et des autres
savants qui exprimaient et diffusaient des idées nouvelles, jugées contraires
aux dogmes catholiques et aux principes édifiés par les auteurs anciens. Ainsi,
l’illustre Galilée a été condamné pour avoir soutenu que la terre tournait et a
dû se rétracter pour sauver sa vie. Descartes aussi pensait que la terre
tournait sur elle-même et autour du soleil. Mais, il est resté prudent sur le
sujet.
Nicolas
de Malebranche (1638-1715),
oratorien, philosophe et théologien français, a pu être appelé le « Platon
chrétien » en raison de l’élévation de ses pensées. Disciple fervent de
Descartes, il a adhéré aux doctrines de celui-ci, sur la Méthode, sur le refus
des vérités imposées, sur la nécessité de s’appuyer sur l’évidence, sur la
nature de l’âme. Mais il a réfuté l’action de l’âme sur le corps. Pour lui, Dieu
seul déterminait les causes de nos actes et de nos volontés « Nous voyons tout
en Dieu ». Alors que la science humaine se bornait à rechercher les lois de la
nature. Malebranche aurait également été le premier positiviste, convaincu que
la vérification de nos connaissances par l’expérience était le seul critère de
vérité. Ecrivain au style pur et éclatant, mathématicien et physicien, il a été
membre de l’Académie des sciences (1699).
Henri
Bergson (1859-1941)
a été un brillant philosophe spiritualiste français, qu’on trouve décrit comme
un adversaire de doctrines diverses de la fin du XIXe
siècle (le néokantisme, le scientisme, le matérialisme, le positivisme,
l’intellectualisme). Très sensible à l’importance de l’évolution et du
changement, il a voulu ouvrir de nouveaux horizons spirituels et faire une
analyse critique de la connaissance à l’aide de concepts de durée, de mémoire,
d’élan vital, d’art et surtout d’intuition. Sa philosophie, réputée biblique,
est centrée entièrement sur le problème de Dieu. Il a disposé d’une chaire au
Collège de France. Parmi ses ouvrages majeurs se trouvent L’évolution
créatrice
(1907), L’énergie
spirituelle qui
lui valut le prix Nobel de littérature (1928) et Les
deux sources de la morale et de la religion (1932).
Juif, attiré par le catholicisme et sur le point de se convertir en 1937, il y
renonça en raison de la montée de l’antisémitisme, pour « rester parmi ceux qui
seront demain persécutés ». Philosophe militant hyperactif, et écrivain prolixe,
brillant, Jean-Paul
Sartre (1905-1980)
a exercé une fascination et une domination, sinon une dictature culturelle sur
le milieu intellectuel pendant une trentaine d’années. Il a aussi rencontré un
vif succès populaire grâce à ses nombreux romans, ses récits et ses pièces de
théâtre, laissant des traces encore visibles dans les comportements des gens.
Individualiste, sinon anarchiste, d’abord, après plusieurs essais
L’imagination
(1936),
L’imaginaire
(1940), L’Être
et le néant (1943)
où il a abordé les rapports entre conscience et liberté, il a fondé un
existentialisme athée. Dieu n’existe pas ; aux hommes de déterminer leur destin.
Avec sa compagne, Simone de Beauvoir, il a prôné l’engagement comme une fin en
soi. Au lendemain de la guerre, il a créé la revue Les
temps modernes et
publié L’existentialisme
est un humanisme (1946).
Il
s’est engagé en faveur du marxisme et du communisme et n’a pas condamné la
tyrannie et les crimes staliniens jusqu’à la répression soviétique à Budapest en
1956. Ensuite, il a gardé ses convictions socialistes, antibourgeoises,
anticapitalistes et pacifistes (Algérie, Vietnam…). Des polémiques ont aussi
porté sur l’engagement et l’efficacité du petit mouvement de résistance
Socialisme
et liberté qu’il
a essayé, sans succès, de promouvoir et d’animer en 1941, après sa sortie d’un
camp de prisonniers en Allemagne où il était resté neuf mois. Sartre, qui avait
donné des représentations sous l’Occupation, s’est retrouvé à la Libération au
sein du Comité d’épuration qui décidait du droit des écrivains ou non de
publier. Non sans contrarier vivement d’incontestables
résistants.
Le
Siècle
des lumières n’est
pas représenté. L’incontournable Voltaire
(1694-1778),
prérévolutionnaire admiré et contesté, deux fois embastillé, plusieurs fois
exilé, a peut-être été jugé trop critique envers la France et provocateur, tour
à tour, vis-à-vis des catholiques et des protestants. Jean-
Jacques Rousseau, lui,
était Genevois.
Blaise Pascal (1623-1662),
savant, philosophe et écrivain, Auguste Comte (1798-1857), qui a fondé la
sociologie, ainsi que Theilard
de Chardin
(1881-1955) eussent pu figurer sur une liste un peu plus longue. Quant aux
philosophes hollandais, allemands et autrichiens des XVIIe
au
XXe
siècles
qui ont notablement influencé les pensées et les comportements jusqu’à nos jours
(Spinoza,
Leibniz, Kant, Karl Marx et Freud), ils
n’ont pas été retenus dans la sélection. Symbolique ?