COLOMBEY-LESDEUX-
ÉGLISES,
le
Mémorial
par
Luc Beyer de ryke,
Co
l
omb
e y - l e s -De u x - Églises appartient
à l’Histoire. Il fait aussi partie de ma vie. Même si les liens familiaux se
sont distendus, c’est là que je me suis marié. Le Général avait envoyé un
carton. C’est l’abbé Drouot qui officiait. Les curés à l’époque portaient encore
la soutane. Celui-là était petit, avait le visage rond et la voix haut perchée. Ce n’est pas sans émotion que j’ai trouvé sa
photo, et celles d’autres habitants du village, parmi les souvenirs et
témoignages innombrables dont le Mémorial est l’écrin. L’été écoulé je suis
retourné à Colombey. Je n’avais pas encore visité le
Mémorial inauguré en octobre 2008 (1). Je confesse une certaine prévention pour
ne pas dire une prévention certaine.
J’ai connu Colombey du vivant du Général. Sa présence
n’ôtait en rien le caractère villageois du lieu. Le dimanche la vie s’animait
lorsque fidèles et badauds se rassemblaient pour saluer et acclamer le Général
et Mme
de
Gaulle se rendant à la messe. Puis la tranquillité revenait, la quiétude des
champs et de la forêt des Dhuits, le rythmer des
saisons. Parfois dans les villages on voyait passer la DS
présidentielle, le temps d'un regard, d’une interrogation et la vie
reprenait.
Après
la mort du Général, la croix de Lorraine, au haut d’une colline, est comme un
phare de la mémoire vu des lieux à la ronde dans un horizon dégagé et légèrement
vallonne. Était-ce nécessaire ? La simplicité, la sobriété de la tombe ne
suffisaient-elles pas ?
Un Panthéon de la mémoire
Et maintenant le Mémorial ? Je redoutais le pire. Après l’avoir vu et visité je
ne dirai pas que ma prévention s’est évanouie mais je reconnais qu’elle était
exagérée. Le cube de béton, sans élégance particulière, s’inscrit et s’insère
dans la colline boisée que l’on appelle à Colombey «
la montagne ». De l’intérieur on a vue sur La Boisserie. Le regard s’emplit de la beauté du site, avivée
encore par la symbolique qu’il revêt. Me voilà apaisé même si mon adhésion n’est
pas entière. Demeure l’essentiel, ce qu’apporte le Mémorial. En cela je ne
marchanderai pas l’éloge.
La
vie de Charles de Gaulle, celle qui relève du quotidien et celle qui appartient
à l’épopée, à l’Histoire est remarquablement illustrée. Tout y contribue. Les
documents, l’image, le son, la mise en scène se relaient avec souvent un vrai
bonheur d’imagination. Tout ou presque serait à citer. L’évocation des tranchées
de la Grande Guerre, celle de Bir Hakeim ou le visiteur en écoutant le récit marche dans le
sable du désert, ou en a l’illusion, la liesse de la Libération de
Paris,
« Paris outragé », « Paris libéré », l’heure
de l’adieu à Colombey, ce temps du chagrin d’une
«
France orpheline »
que j’ai accompagné au micro de la R.T.B…
Ainsi lors de cette visite, pour moi, l’émotion collective rejoignait mes
souvenirs les plus intimes, les plus personnels.
Colombey,
heures sombres, heures glorieuses
Pour
ceux qui l’ignoreraient Colombey-les-Deux-Églises appartient aux lieux qui
vécurent les malheurs de la France et, à travers le Général de Gaulle, sa renaissance. Je suis un amoureux des romans d’Erckmann et Chatrian que je lisais dans mon enfance… et
qu’il m’arrive de relire sur la pente déclive de la vie… Parmi eux il y a
l’invasion
ou le fou Yegoff qui
nous reporte aux derniers soubresauts de l’empire en 1814. Napoléon déploie tous
ses talents militaires lors de la campagne de France. En particulier près de
Brienne, là où se dessine sa toute jeune carrière à l’époque où il s’y distingua
par une bataille de boules de neige qu’immortalisa la légende. Rien n’y put. Les
armées alliées s’abattirent comme un vol de gerfauts. Paris tombera, l’empereur
abdiquera. À l’époque les cosaques bivouaquaient à Colombey… C’est une image forte.
Mais
l’Histoire, elle, retiendra qu’un siècle et demi après, un homme, à Colombey, se dressa, gagna Londres et proclama que la
bataille de France était perdue mais qu’il restait le bataille de LA France. Il
la livra et la gagna. Le mémorial est, en cela, le mausolée de la mémoire.
(1) Du 2 mai au 30 septembre le Mémorial
est ouvert tous les jours de 10 heures à 19 h 30. Du 1er
octobre
au 1er
mai,
sauf le mardi, de 10 heures à 17 h 30. Fermeture annuelle en
janvier.