par Jacques MYARD,
" En ce temps de crise de pandémie, le débat européen a
repris de plus belle. Les tenants du « plus d’Europe » prônent à chaque crise
d’intégrer encore davantage l’Union Européenne, mettant son échec sur le compte
d’une insuffisance d’Europe fédérale.
La figure de proue de cette thèse est aujourd’hui le
Président Macron qui ne manque jamais d’appeler à une « souveraineté
européenne » qui supplanterait les souverainetés nationales des Etats
membres.
« Toujours plus d’Europe », fuite en avant
idéologique
Lors des dernières élections européennes, il a ainsi envoyé à
tous les médias une lettre, véritable épître à la manière de Saint Paul,
appelant à une Europe fédérale. Cette missive a fait un flop et suscité de la
colère parmi de nombreux Européens qui n’ont pas apprécié d’être chapitrés par
le président français.
Ce « toujours plus d’Europe » est en réalité
une fuite en avant idéologique bien éloignée des réalités.
Le monde politique allemand, quant à lui, n’a eu de cesse de
prendre le contrepied des positions exprimées par Emmanuel Macron, et cela au
plus haut niveau : demande du partage de notre siège au Conseil de Sécurité des
Nations unies, abandon de Strasbourg comme siège du Parlement européen, lettre
ouverte d’Annegret Kramp-Karrenbauer
(AKK) en réponse à Emmanuel Macron prônant le retour à plus de coopération
intergouvernementale en Europe.
Le 5 mai dernier, la Cour constitutionnelle fédérale
allemande a rendu un arrêt qui, en cette période de crise pandémique, a
provoqué une certaine panique dans le monde technocratique de la zone monétaire
haletante de l'euro.
La cour constitutionnelle fédérale allemande s’en mêle
La Cour critique fermement la politique d'achat des OAT (bons
du Trésor) par la BCE, estimant que l'action de la BCE ne répond pas au
principe de proportionnalité (article 5-1 et 5-4 ) du
TUE : « En vertu du principe de proportionnalité, le contenu et la
forme de l’action de l’Union n’excèdent pas ce qui nécessaire pour atteindre
les objectifs des traités. »
La Cour relève que la politique d'achat de la BCE est de
nature à mettre en échec la responsabilité de la Diète fédérale en matière
budgétaire - le Bundestag - telle qu'elle est établie par la Loi fondamentale.
En conséquence, la BCE est tenue d'expliquer sa politique
d'achat des bons du trésor, si cette politique répond au critère de
proportionnalité — pas plus de 33% d'OAT pour un seul Etat et en proportion de
la part du capital de la BCE. A défaut de réponse de la BCE dans les 3 mois, la
Cour de Karlsruhe ordonnera à la Bundesbank de cesser de participer à ces
achats de dette publique.
Le 18 mai dernier, un pré-accord a été conclu entre la
chancelière Merkel et le Président Macron pour permettre un emprunt de 500
milliards d’euros par la Commission de Bruxelles. Est-ce là une nouvelle donne
européenne ?
Le bras de fer ne fait que commencer
Les fameux 500 milliards d’euros « lâchés » par Merkel ne
sont, en réalité, que l’acceptation d’avoir un budget doublé dans les trois ans
à venir, financé par l’emprunt, mais il reste à déterminer : - Qui bénéficiera
de cette manne ? Quelles politiques de l’UE seront bénéficiaires ? -
L’attribution se fera-t-elle dans le cadre des politiques actuelles ? - Quelles
conditions d’attribution des fonds : subventions ou prêts ?
• Les pays qui recevront ces fonds devront-ils respecter
des conditions de réforme et être de fait placés sous
la tutelle de la Commission ?
• Tous les États de l’UE seront-ils
d’accord ?
• La partie de bras de fer ne fait que commencer.
Au demeurant, le débat se portera d’abord en Allemagne car
les traités n’autorisent pas les emprunts par la Commission. Les braves juges
de Karlsruhe vont sans doute rappeler que l’article 125 du Traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) interdit à l’Union « de
répondre des engagements des administrations centrales ». De plus, nombre
de députés allemands sont hostiles à ce processus d’emprunts.
Mais une chose est certaine, cet emprunt s’inscrit dans le
cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 du budget, il ne s’agit pas de
créer un budget de la zone euro dont la fragilité s’accroît. Les prétendus «
engagements allemands » pour un budget de la zone euro que le Président Macron
croit déceler dans des propos de la chancelière relèvent de l’autosuggestion.
Sur ce point majeur, l’Allemagne refuse de payer, on ne peut
nourrir aucun doute à ce titre.
L’Union européenne dans l’impasse
L’Union européenne est donc dans une impasse. L’alternative
est simple : poursuivre une Europe chimérique ou construire une Europe des
coopérations, à la carte, tout en conservant un marché intérieur plus adapté
avec l’abandon du « tout concurrence » et la mise en place d’une politique
industrielle pour protéger nos entreprises.
Quant à la zone euro, elle est née avec le handicap
congénital, celui de ne pas reposer sur une zone économique optimale ; nombre d’Etats
du Nord refusent d’assurer sa transformation en union de transferts pour
maintenir hors d’eau les fameux PIGS — Portugal, Italie, Grèce et Espagne —
auxquels il convient d’ajouter la France, qui subissent une monnaie trop forte,
alors qu’elle est trop faible pour l’Allemagne. C’est la quadrature du cercle.
La réalité éclate désormais : le Traité de Maastricht (1992)
a créé une UE artificielle et non viable ; les règles qu’il a instituées sont
autant de carcans économiques inadaptés au temps de crise. Les Etats devraient
décider de se libérer de ces règles obsolètes, en rétablissant, par exemple,
les avances gratuites et perpétuelles des banques centrales aux Etats pour
financer les investissements et relancer l’économie sans emprunter, comme cela
existait avant 1992, n’en déplaise à l’Allemagne !
A défaut, l’UE est dans une impasse mortifère dont
l’éventualité de survie s’éloigne comme l’horizon."
VALEURS
ACTUELLES A PUBLIE L’ARTICLE DANS SON SITE INTERNET LE 28 MAI 2020