LE DERNIER DES GEANTS 

Monsieur le Maire Luc BINSINGER, Mesdames et Messieurs du Conseil municipal de Saint Nicolas de Port,
Portoises, Portois,
Monsieur le Maire de Rosières aux Salines : Thibault Bazin, ancien plus jeune Maire de France si je puis m' exprimer ainsi,
Rosiéroises, Rosiérois,
Mesdames et Messieurs,



Quel honneur vous me faites d'engager avec vous une réflexion sur le Général de Gaulle.« Le dernier des géants ».
Je passe pour un gaulliste historique, en réalité, je n'ai vu le Général que deux fois, par contre, j'ai travaillé avec nombre de ses anciens ministres et collaborateurs.

- Henri Duvillard, Ministre des anciens Combattants, qui eu en charge d'ériger la Croix de Lorraine,

- Jacques Chaban-Delmas et son équipe, lorsque F. Mitterrand, comprenant qu'il allait perdre les législatives lui demanda de se tenir prêt pour Matignon,

- Jean Charbonnel à qui le Général avait confié le secrétariat d’État à la Coopération et le Président Pompidou l’Industrie,

- Léo Hamon, grand résistant, porte-parole du Gouvernement, grâce à qui j’ai pu déposer un projet entre les mains de Pierre Béregovoy, projet devenu loi,

- Maurice Schumann qui m'intima l'ordre de revenir en politique, « on ne dit pas NON à la voix de la France »,

- Pierre Lefranc, le compagnon de route du Général : rappelons aux jeunes générations, qu'il a entraîné des gens à remonter les Champs Elysées le 11 novembre 1940, pour aller déposer une gerbe sur la tombe du soldat inconnu.

Arrêtons-nous sur ce grand moment d’Histoire, que fût cette remontée des Champs à laquelle ont participé Jacques Griotteray et mon ami Jacques Dauer. Epopée qui a éveillé en France, l’esprit de résistance. Ils ont d'abord cassé la boutique des jeunes fascistes du Parti français national collectiviste qui faisaient le salut nazi, ensuite, ils ont marché jusqu’à l'Arc de Triomphe.
Ces héros furent mitraillés, certains emprisonnés. Pierre Lefranc a été blessé, enfermé à Fresnes, d’où il est sorti pour rejoindre le Général de Gaulle à Londres n passant par l’Espagne, avant de sauter en parachute sur la France occupée.

- L'Ambassadeur de France, Pierre Maillard, Conseiller diplomatique du Général de Gaulle de 1959 à 1964,

- Le Général Gallois, père de notre stratégie nucléaire, spécialiste de géopolitique de notre époque, conseiller du Général de Gaulle,

- Jean Foyer ancien garde des sceaux du Général, un des Pères de notre constitution

C'est avec ces collaborateurs du Général que nous avons créé le Forum Pour la France, association de propositions.

Et puis, Pierre Messmer ; Pierre Lefranc, Pierre Maillard, Etienne Burin des Roziers, secrétaire Général du Général à l’Elysée, Jean Foyer, le Général Gallois, Paul-Marie de la Gorce, et votre serviteur avons écrit un livre en commun « La Tragédie européenne et la France ».

Chaque mois, certains anciens Ministres du Général : Lucien Neuwirth, Nungesser, Christian de la Malène, Gabriel Kaspereit, des proches collaborateurs, des anciens Secrétaires généraux de l’Élysée, Jacques Myard et votre serviteur, nous nous réunissions dans un restaurant sous la dénomination de : « Conjurés du Procope ». Nous parlions du Général, de sa politique, de ses méthodes de travail, de ses relations avec ses collaborateurs. Merci Monsieur Jacques Dauer d’avoir provoqué cet évènement mensuel

Autre gaulliste historique et grand héros de la France Libre, celui qui a abattu le plus grand nombre d’avions ennemis : Pierre Clostermann, qui m’a narré sa première entrevue, en Angleterre, avec le Général de Gaulle. Allez vous habiller
Immense émotion que d'échanger avec l’auteur du Grand Cirque alors que nous recevions Henry Kissinger venu à la « Maison de la France Libre » pour fêter avec nous, l’anniversaire du Général PM Gallois.

J'ajouterai dans les gaullistes, Jean-Pierre Chevènement, Jean Charbonnel m'avait dit : c'est un gaulliste qui s'ignore, j'ai rapporté ces paroles au CHE qui m'a répondu : « Mais je suis Gaulliste ! ». et je le sais
Voilà pour expliquer pourquoi certains me considèrent comme historique, ce qui me fait de moi un ancien combattant….. radoteur.

Maintenant, ce qui vous intéresse : le Général et son oeuvre :

D'abord, le titre de cette réunion :
Le dernier des Géants

Ce titre m'a fait penser à une phrase de Beaudelaire :
« Ses ailes de géant l'empêchent de marcher »

Oui, pas facile de marcher dans le monde, lorsque l'on a cette taille, cette stature : Il avait pour lui, une façon de dominer les autres. Le Président J. Kennedy a dit : lorsque le Général de Gaulle change de place dans une pièce, le centre de gravité se déplace avec lui.

Marcher, il a pourtant dû marcher toute sa vie ; contre les égoïsmes, les conservatismes, les jalousies, les féodalités, les immobilismes, le mûr de l’argent Beaucoup s'étaient liés contre lui, presque tous d'ailleurs - sauf le peuple. Ce qui n’empêcha pas ce dernier, hélas, de le remercier sans ménagement le 27 avril 1969. Rappelons à ce propos, l'importance d'aller voter, ce jour là, 5,5 millions d'électeurs ont « oublié » de se déplacer, ceci expliquant certainement cela.

Quelle époque de géants : Churchill, Roosevelt, Staline, de Gaulle, chacun défendant son pré carré, c'est à dire, chacun, les intérêts de sa nation. Que de conflits d'intérêts il a fallu gérer. C'est dire surtout l'importance des armées, et de leur corollaire : « la politique étrangère ». Le Général de Gaulle a su, avec peu de choses, mais du courage, défendre les intérêts de la France, contre tous, pendant ces années noires.

L'Appel du 18 juin 1940
La France est au bord du désespoir, lorsque tout à coup, du fond des ténèbres, une voix se fait entendre, et avec elle, surgit l'Espoir : « A mesure que s'envolaient les mots irrévocables », le Général a senti qu’avec cet appel, une vie se terminait pour lui et qu’une autre arrivait, elle sera consacrée à la France.

C'est cet appel du 18 juin 1940, que nous célébrons aujourd'hui.
Monument de notre histoire et début de ce que nous appelons le « Gaullisme » qui disons-le tout net, ne peut être une idéologie, mais uniquement et simplement : l'Histoire.

Nous le célébrons avec respect, avec émotion, et profitons de cette réunion pour dire aux jeunes : sans cet appel la France, ne serait plus la France.

L'APPEL : Un réflexe d'honneur, avec la volonté de respecter la parole donnée, surtout lorsqu'il s'agit de la parole de la France. Mais pas seulement, il y a dans l'appel, de la stratégie et de la vision :

« La France a été vaincue par l'arme mécanique de l'ennemi, mais les mêmes armes, utilisées par les nations libres pourront le vaincre un jour » Il sait, il prévoit, il sent : « toute ma vie je me suis fait une certaine idée de la France »
et il amènera la France à tout reconquérir : honneur, grandeur et prospérité.

Le 18 Juin 1940, le Général entre dans l'Histoire en osant franchir seul, ou presque, le Rubicon. Ce jour-là, il devint la France, il devint l’État, il fut le Gouvernement, il parla au nom de la France, et il est l'indépendance et la souveraineté de notre pays.

IL EST DEVENU CE 18 JUIN 1940: LA VOIX DE LA FRANCE RÉSISTANTE.
Evoquons d’abord l'avant-18 juin, avec l’œuvre littéraire qui portait déjà l'acte que le Général allait accomplir, avec ce plaidoyer technique, toujours bien argumenté pour la modernisation de nos armes : ah s'il avait été entendu !
Malheureusement, il y a toujours des politiques plus attachés à leur carrière, aux jeux politiciens, à l'intendance du jour, qu’au devenir de la France. Rappelons les responsabilités : un Pierre Laval, Président du Conseil qui ne veut pas augmenter le budget des armées, le Front populaire qui lui, ne peut plus, car on ne peut donner à tous. Les choix, déjà à l’époque, se faisaient en direction d’une clientèle. Gouverner, c’est choisir a dit P MF : malheureusement c'est le pire qui a été choisi : l'abandon.
Il y a eu aussi ces chefs militaires qui pensaient que l'armée française était toujours la meilleure, et que l'adversaire n'oserait jamais l'attaquer.

Seul Paul Reynaud l'écouta, mais trop tard. Juste le temps de constituer une division de chars dont le Colonel de Gaulle pris le commandement pour lancer les deux seules contres attaques que la France a pu mener en mai 1940 : Abbeville et Montcornet et malgré le fait que de Gaulle ait dominé le champ de bataille de bout en bout, la victoire lui échappa faute de carburant que le pouvoir n'avait pas été en mesure de fournir.

Rappelons aussi, qu'en mai 1940 un discours du Général de Gaulle, passé inaperçu, a été prononcé devant l’État-major. Il a son importance car il a préfiguré celui du 18 juin en se terminant par : Demain, grâce à cela (la force mécanique) nous vaincrons sur toute la ligne. Seulement rien n'a été fait.
Le Gal de Gaulle est sous-Secrétaire d'État à la Guerre. Cet appel a été lancé, aux chefs militaires français qui n'ont pas voulu l'entendre. Alors ce fût Londres, pour quelques-uns un mois après, les pleins pouvoirs en juillet et Montoire qui va suivre .

« La France a perdu une bataille, elle n'a pas perdu la guerre » : des affiches recouvrent quelques murs de Londres.
Puis l'Appel avec son rejet de la capitulation, de l'asservissement. Appel à l'honneur, au bon sens, à l'intérêt supérieur de la Patrie. « Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance ne s'éteindra jamais »: elle ne s'est pas éteinte.

Déjà, et à l'inverse de la demande d'armistice qui est le signe du désespoir, L'Appel, fût celui de l'ESPOIR.

Profitons de cet instant pour rappeler les 96 000 soldats Français, trop souvent oubliés, morts au combat, avant et pendant la débâcle, n'oublions pas les prisonniers, N'OUBLIONS JAMAIS PERSONNE.

Certains se sont posés une question : mais comment le Général de Gaulle a-t-il pu forger sa forte personnalité ? La réponse est simple : En tirant le meilleur de toutes les époques qu'il a traversées :

- D'abord L'initiation avec l'éducation reçue par son père Henri de Gaulle qui lui fait découvrir et aimer l'histoire, qui l'initie aux poids des traditions, à l'honneur, à la Patrie. Charles de Gaulle est élevé dans la religion du Drapeau.

- Puis: L'épreuve, la grande guerre, celle de 14, celle des tranchées, les blessures, les 32 mois d'internement et les tentatives d'évasion. Difficile de s'évader lorsqu'on mesure 1m96.

Ensuite, l’œuvre d'écriture et de pédagogie ; L'officier de Gaulle plaide avec raison pour une armée mécanique.
Il est dommage, pour ne pas dire plus, que cette œuvre littéraire ne fut pas écoutée par à sa hiérarchie, restée attachée aux principes de la guerre de 14, comme ceux de 14 étaient restés attachés à ceux de 1870.

Viendra la période de contestation où il remet en cause la vision passéiste de la guerre et la stratégie de ses chefs. Ils en sont encore au cheval et au fusil Lebel cachés derrière un rempar : la ligne Maginot, alors que les Allemands sont déjà sur des chars capables d’une guerre éclair irrésistible, les Allemands ont adopté les idées d’un Général Français, contrairement à notre propre État-major.

Les conséquences de la situation archaïque de l'armée en 40, feront que le Général adoptera, pendant sa traversée du désert, la force de dissuasion nucléaire que lui présenta le Général P.M. Gallois.
La guerre, ses deux contre-attaques à la tête de ses chars, sa nomination au Gouvernement, sa mission à Londres qu'il transforme en bras armé d'une résistance qu'il suscite. Sa fureur devant la déroute et la politique des abandons à laquelle il dit NON. Voilà de quoi forger une personnalité hors du commun.

Et puis le héros de 14/18 qui se transforme en laquais de la politique hitlérienne Quel insondable malheur fit qu'une pareille politique fut endossée par l'extrême vieillesse d'un chef militaire glorieux.
Il voit l'épée de la France brisée, alors qu'il aurait voulu qu'on arrête l'ennemi, et qu'on le repousse. Peu le soulignent, mais Il combat le fascisme, car à l'inverse de Pétain, il avait lui, pris la dimension idéologique des problèmes posés pour l'Occident par le péril fasciste . C'est une leçon que tout gaulliste ne peut oublier.

Alors ce fût l'épopée

Le 11 juin 1940, le Général de Gaulle a ramassé le tronçon du glaive de la France, Ce qui lui apporte la légitimité dont il a pu se prévaloir. Tout comme le 11 novembre qui suivra, Pierre Lefranc en remontant les Champs Elysées, suscite l'esprit de la résistance à l'occupant : La France, la vraie France, elle est là.
Réaction d'honneur, acte de défense nationale. Il fallait sauver la nation et pour cela, le Général a appelé les Français à se mettre au service de la France. Il a lancé cet appel aux patriotes, en leur faisant savoir, que ce n'était pas en partageant les chaînes de leur mère captive que ses fils prouvent le mieux leur amour : c'est en les brisant.

Que représenta le 18 juin 1940, pour ceux de l'époque ? L'ESPOIR de voir un jour se réinstaller la légitimité adossée à nos valeurs fondamentales et à l'Histoire de France.
Ce fût aussi pour eux, L'ESPOIR de voir affirmer à nouveau la loi supérieure : celle de l'honneur de la France.
Pour ceux d'après : le 18 juin 1940 est la date de l'entrée dans l'Histoire du Général de Gaulle. En effet L'APPEL lui a donné une épaisseur historique qui l'a amené à incarner la France. Pour ceux de mon âge, trop jeunes pour faire la guerre et entrer en Résistance, le Général a toujours été légitime. Nos premiers souvenirs : une voix, puis une image, enfin une présence : Il a été pour nous, le Chef naturel de la France.

Pour ceux d'aujourd'hui, sans l'APPEL du 18 juin 40, il est fort possible que la France se soit retrouvée noyée dans la purée de marrons, écrasée par la peste brune. Que chacun relise l'histoire pour s'en convaincre et qu'il sache que la liberté n'a pas de prix. Nos anciens ont payé cher NOTRE liberté, aux prix de la torture et de la mort. Cette liberté, ce n'est certainement pas à nous qu'il appartient de la mettre en danger. Au contraire, il nous appartient de la défendre, contre tout et tous.

Allons plus loin, pour faire savoir ce que nous devons au Général de Gaulle. Qu'il ait su susciter chez nombre de Français la volonté de combattre le régime nazi, nous le savons tous. Par contre peu savent qu'il a dû combattre nos alliés, pourtant nos amis, pas de la même façon, mais quand même. Il lui a fallu batailler dur, pour que la France en 44 devienne à nouveau souveraine et seule maîtresse de son destin.

Quel temps perdu, quelle énergie dépensée pour sortir la France de la méfiance d’un Roosevelt qui portait un mépris complet à la souveraineté française. Rappelons aussi, sa sympathie persistante pour Pétain qu'il considérait comme un barrage contre le communisme. Rappelons bien sûr la force que représentaient les communistes français à l'époque. C'est ce qui faisait peur à Roosevelt.
Il faut dire qu'ensuite, l'entrée de communistes dans le gouvernement de 44 ne le rassura pas. Roosevelt n'avait rien compris, où rien voulu comprendre.

Deux fois et officiellement, Roosevelt a parlé de l’occupation de la France après la guerre.
D'abord avec le projet AMGOT : « Des préfets américains avaient été formés aux Etats-Unis pour gérer la France ». Une monnaie d’occupation a été imprimée et distribuée en Normandie, pour remplacer le Franc.

Pas confiance, mais pourquoi ? la France gaulliste avait fait ses preuves. Bir Hakeim. Le Général avait fait inscrire en lettres de sang l’épopée de ces héros français.
« La nation a tressailli de fierté en apprenant ce qu’ont fait nos soldats à Bir Hakeim. Braves et purs enfants de France qui viennent d’écrire avec leur sang, une de ses plus belles pages de gloire » – puis le Fezzan, la Tunisie, la Corse, l’Italie, et enfin Paris délivré par la 2è DB de Leclerc, « Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé. Mais Paris libéré, libéré par lui-même, libéré par son peuple, avec le concours des armées de la France . »
Jamais plus belles pages d’Histoire ne furent écrites par un homme pour être offertes au peuple de France.
Roosevelt dut en prendre acte, mais cela ne l'empêcha pas de laisser la France sur le bord du chemin. Lors de la conférence de Yalta par exemple, où malade, il laissa Churchill seul face au lion Staline. La présence du Général aurait fait bouger ces lignes qui nous conduisirent à près d'un demi-siècle de guerre dite froide, mais qui a souvent senti le brûlé.

Le Général de Gaulle a aussi été le libérateur de la Nation en se battant contre les ennemis internes de la France, « la France trahie par ses élites dirigeantes et par ses privilégiés ».
N'oublions jamais les sacrifices et ce que nous devons à nos héros, trahis justement par ces « élites ».

Grâce au Général, en Août 44, les Français ont pu, à nouveau, lever la tête et dire NON. Rappelons que le Général remis aussitôt la France aux premiers rangs.
« Le côté positif de mon esprit me convainc que la France n’est réellement elle même qu’au premier rang ».

Le Général Eisenhower, malgré le refus de Roosevelt, déclare au Général de Gaulle : « Pour la future bataille j’aurai besoin, non seulement du concours de vos forces, mais aussi, de l’aide de vos fonctionnaires et du soutien moral de la population française. Il me faut donc votre appui, je viens vous le demander ».
La messe est dite, le Général de Gaulle vient de gagner une bataille.
Le Général Juin, à la tête de ses des Tabors Marocains prend le Mont Cassin, et ouvre la route de Rome aux Alliés qui s’épuisaient contre des Allemands bien retranchés.

Puis ce fut Strasbourg, ville délivrée par les troupes de la 2ème DB et n’oublions jamais, cerise sur le gâteau, la prise du nid d’aigle de l’infâme, par les troupes du Général Leclerc.
Il restera à l'Armée de de Lattre de Tassigny de gagner des batailles sur le Rhin et sur le Danube.

Nos troupes ont parfaitement, avec courage et honneur, participé à la victoire finale.

Vint alors une autre époque, avec un nouveau combat :

LE GOUVERNEMENT DE LA FRANCE LIBRE

La France est libérée, le Général retrouve son bureau de la rue Saint Dominique, « Rien n'y manque excepté l'État, il m'appartient de l'y remettre ». Il le remit à sa place.

Jamais cet homme ne s'arrêtera, tant que la France ne sera remise sur les rails.
Au 10 de la rue Saint-Dominique, il installe le gouvernement de la République, qui va gérer la France pendant 29 mois : du 25/08/44 au 20/01/46 - le plus long gouvernement jusqu'en 58.

Et là, le Général de Gaulle écrit une autre page de l'Histoire de France, avec l’œuvre immense de son gouvernement :

- droit de vote accordé aux femmes,

- Transformation radicale de notre société avec l’ordonnance du 19 octobre 44 par laquelle il met en place la sécurité sociale. La plus grande réalisation sociale de tous les temps. Le Général efface des siècles de peur, en supprimant l’angoisse du lendemain, de la faim, de la maladie et de la retraite non assurée. Le système par répartition soude la nation avec la solidarité entre les hommes et avec la solidarité entre les générations.

- Le commissariat au Plan, organisme destiné à suivre l’évolution de l’économie, à la prévoir, à lui indiquer la route à suivre.

Il suscite la conscience du développement en laissant le Plan l'exprimer plutôt que le hasard prône par le tout marché.

- Création des comités d’entreprise (ordonnance du 22 février 1945) qui doit associer largement l’ouvrier à la vie de l’entreprise, faire en sorte que l’intérêt particulier soit toujours contraint de céder à l’intérêt général : celui de la nation.

Le Général de Gaulle, fit à ce moment-là, de la République française, un exemple, comme Saint-Louis fit de la France un royaume exemplaire.

Assurer et assumer la souveraineté française, imposer l’ordre et la loi, la justice aussi en cherchant toujours le juste milieu entre ordre et justice. Exiger au-dehors, le respect des droits de la France, refaire son unité à l'intérieur. Plier à l’intérêt commun les éléments divers de la nation pour la mener au salut.
Voilà une partie de l’œuvre réalisée.

Mais au-delà, le Général a su relever la France dès 1944, alors que notre activité économique avait baissé de près de moitié. Il fera la même chose en 1958, il a donc engagé par deux fois, notre pays sur la voie de la prospérité.

Pour ceux qui ne le savent pas, et sans porter de jugement, rappelons que si l'industrie française a été détruite presque entièrement, l'industrie allemande elle, ne fut atteinte qu'à 20% de son ensemble. Ceci pouvant expliquant sa remontée si rapide.

En 44, il a fallu tout reconstituer

- L’armée qui devait encore se battre,

- Faire acquérir par la nation la propriété des principales sources d’énergie,

- Faire assurer par la nation, le contrôle du crédit, ce fût la création d’un Conseil national du Crédit, la nationalisation de la Banque de France et de 4 banques de crédit,

- Rétablir le Conseil économique que Vichy avait supprimé et qui deviendra en 58 le conseil économique et social, celui justement que le Général voulait faire entrer en partie dans la composition du Sénat, avec le référendum d’avril 69,

- Relever la natalité française et ce furent les allocations familiales,

- Ce fut aussi, l’Ecole Normale d’Administration, chargée de former les principaux fonctionnaires de l’Etat, et que créa sur le papier Michel Debré.

Il a fallu relever les salaires, ils le furent de 40%, pour accroître la consommation, seule génératrice possible de production.

Il a fallu tout financer : les reconstructions et les décisions pour le renouveau qui avaient été prises, le furent grâce à l’emprunt de la libération, qui dépassa de près de moitié ce qui avait été espéré. Rappelons qu'aujourd'hui, l'épargne des Français bat des records et qu'elle se place au niveau de la rente, pas du productif. Manque de confiance et de pédagogie.

Et c’est le contrôle de la circulation monétaire, le raccourcissement de la dette à court terme,
- En 45, l’Etat peut payer ce qui doit l’être et reprend à nouveau sa condition d’Etat libre, indépendant, alors que notre nation redevient souveraine. Qui d’autre que le Général de Gaulle aurait pu, aussi vite, sortir la France de l’ornière dans laquelle la guerre et les mauvaises politiques d'avant l’avaient poussée ?

Voilà une autre partie de l’œuvre du Général. Malheureusement, les partis ragaillardis recommencèrent à jouer à leurs jeux plus déconstructeurs que constructeurs. Alors, le 20 janvier 1946, le Général de Gaulle renonce à ses fonctions de Président du Gouvernement provisoire de la République.

Henri Guaino, a écrit dans la revue Espoir que le Gaullisme était une histoire. Oui et quelle histoire. Le premier épisode commence avec l'appel du 18 juin 1940, et s'arrête le 20 janvier 1946.

Ensuite, ce sera :
LA TRAVERSEE DU DESERT

Le désert souvent vide, fût au contraire très riche pour le Général car il lui permit de préparer l'avenir

- 16 juin 1946 : Bayeux, l'un des quatre grands discours du Général, avec celui de Brazzaville qui annonce la fin du colonialisme, celui de Pnom Penh avec le droit des peuples à disposer d'eux mêmes et puis son intervention télévisée sur la PARTICIPATION - en réalité une 3è voie POLITIQUE, entre socialisme et libéralisme.

Le Général affirma à Bayeux, « que sur le sol des ancêtres réapparut l’Etat » C'est vrai qu'il avait redonné à la France, son honneur et sa place dans le monde, aux Français à nouveau l’espoir dans leur pays et dans leur avenir.
Mais Bayeux c'est l'avenir de la grande France qui est dessiné - La France a besoin d'une Constitution, elle est présentée à Bayeux et sera proposée aux Français en 1958 et 1962.

Quel est l'objectif ?
Le suffrage universel doit être la source des pouvoirs législatifs et exécutifs.
Les pouvoirs législatifs et exécutifs doivent être séparés.
Le Gouvernement doit être responsable devant le Parlement.
L'autorité judiciaire doit être indépendante.
Le Président de la République doit recevoir l'onction du peuple.
Il doit choisir son Premier ministre, qui détermine et conduit la politique de la nation.
Le Président exerce son arbitrage sans contreseing et dispose de pouvoirs exceptionnels en cas de crise.
Le septennat, pour le Président et 5 ans, pour la législature. Le Président est l'homme de la nation toute entière et se situe au-dessus des partis. Cette œuvre a été détruite par le quinquennat et maintenant les primaires, qui font du Président l'homme d'un parti et transforme la Ve République en régime présidentiel.
Dans La Constitution le Général proposa comme article premier La Souveraineté, c'est dire son combat pour l'indépendance de la France

Bayeux et la Constitution qui en résulta, font partie de l’œuvre du Général. Ses institutions sont l’actif le plus solide dont la France disposait. Que ses successeurs aient transformé le septennat en quinquennat est une erreur politique venant du Président Pompidou qui en a soufflé l'idée à J. Chirac, m’a dit Marie-France Garaud, lors d’une de mes émissions de radio et pourtant elle fut sa conseillère.

Les institutions de la Vème République nous avaient assuré : stabilité et efficacité. Elles ont offert à la France des gouvernements qui ont pu durer et donc être efficaces. Ce qui ne s’était pas vu depuis des lustres.
Nos institutions répondaient au besoin de liberté, à celle de tous les citoyens. Elles y ont ajouté les notions de progrès et de bonheur, tout en assurant un peu d'ordre. Equilibre difficile à trouver, moments difficiles que ces réunions qui préparèrent la Constitution. Jean Foyer, ancien Garde des Sceaux, nous en a souvent parlés lors de nos réunions. Le Général n'a jamais transigé, l’esprit de Bayeux avait bien esquissé ce qu'il voulait pour la France, pas la peine de tergiverser.

- Un Président de la République, qui devient la clé de voûte de l’ensemble du système institutionnel et qui le restera tant que le septennat restera pierre angulaire de l’édifice. Tout a parfaitement fonctionné , la fin de la guerre d’Algérie, la démission du Général, Président de la République, la mort du Président Pompidou, l’alternance, la cohabitation. Dans tous ces cas, les institutions mises en place par le Général ont tenu bon et nous ont protégés de tous les aléas.

Ont été mis en place : le Conseil Constitutionnel – Nous ne nous rendons pas toujours compte qu’avant lui, rien, ni personne, ne contrôlaient rien. A la question de conformité d’un Traité par exemple, aucune institution ne pouvait apporter de réponse. Regardons de près ! Art 26 de la constitution de la IVème République : Les traités diplomatiques, régulièrement ratifiés et publiés ont force de loi dans le cas même où ils seraient contraires aux lois françaises, non mais quand même.

La Constitution de la Vème République pourrait se résumer ainsi : Un Président qui présidait vraiment, un Gouvernement, qui avec le septennat gouvernait vraiment, un Parlement qui parlementait et légiférait réellement, en contrôlant le Gouvernement et qui pouvait même le censurer et le renverser.

J'ai demandé à Mr Burin des Roziers, ancien secrétaire Général de l’Elysée : quels étaient pour le Général les attributs nécessaires pour mener à bien une politique d'indépendance ? Il faut, m'a-t-il répondu et me l’a écrit : que notre pays conserve ses attributs incontournables que sont :

Une constitution qui l’affirme, une armée qui la protège, une monnaie qui la manifeste, un peuple rassemblé qui la soutient.

Nous constatons malheureusement que la plupart de ces attributs ont disparu : armée, monnaie, peuple rassemblé.
N’est pas le Général de Gaulle qui veut.

L’œuvre du Général avec la Vème République, c’est la nation retrouvée, le patrimoine national reconstitué et défendu. C’est l’acceptation de l’héritage de tous les grands morts qui d’une époque à l’autre avaient fait la France. Constatons par contre que le Général n’est pas resté le contemplateur d’un passé national aussi prestigieux fût-il. Avec la Vème République qu’il a construite, c’est une France moderne qui se profile, avec une production industrielle qui a doublé, un PNB qui a augmenté dans des conditions uniques pour un pays industrialisé, des investissements productifs qui ont augmenté de moitié, une période économique la plus brillante de notre histoire, avec des performances exceptionnelles en matière d’éducation, de soins, de logements.
Sous le Général de Gaulle les salaires ont augmenté en moyenne de 4% l’an, (en francs constants) ce qui donna comme résultat une consommation des Français qui, elle, augmenta de plus de 50%, les transferts sociaux, allocations familiales, retraites, tout fut augmenté. La France , dans son ensemble, doit dire merci au Général, car nul depuis n’a su prendre la même route, malheureusement pour nous .

Et pourtant, ce jour de 1958 où le Général entra à Matignon, la situation est catastrophique, je cite en partie Pierre Lefranc : plus de réserves en devises, le montant de la dette est énorme, le déficit est de plus de 5% du budget, la valeur du Franc est toujours réduite par une inflation galopante, la France est quasiment en faillite et quémande auprès des Américains, afin de terminer ses fins de mois.

En quelques semaines, la situation a été inversée, grâce à la confiance que le Général avait su ramener dans le pays, comme à l’extérieur de la France.
Comme en 44 le Général lance un grand emprunt qui sera couvert en 3 jours. A nouveau, l’Etat peut régler ce qu’il doit. Puis, ce sera le nouveau franc, le blocage des prix pour éviter que l’inflation galope. La réussite de son Plan fut complète parce que le Général y associa les populations, voilà la clé du succès,
Tout fut stabilisé grâce au Vème plan qui demanda à ce que la production fût augmentée, et la productivité accrue. Alors notre compétitivité fut sans faille.

Dans le même temps, la Défense nationale fut assurée : pour le Général, la défense nationale devait impérativement être française et elle le fut, notamment grâce à l’explosion de notre première bombe atomique dans le désert du Sahara, un 13 février 1960.
La théorie de la réponse du faible au fort, proposée par le Général Gallois au Général de Gaulle à l’Hôtel la Pérouse en 1956, avait porté ses fruits. Je connais parfaitement l’histoire de cette rencontre parce que le Général Gallois nous l’a racontée. « De Gaulle avait compris, nous disait-il et en une heure qu’avec peu d’armes nucléaires on matérialisait un fort potentiel d’intimidation. Que le faible se révélait alors capable de tenir le fort en respect ». La politique de défense étant le corollaire de la politique étrangère, la bombe offre au Général le retour de la France dans le concert des grandes nations. Elle lui permet de faire quitter à la France le commandement intégré de l’OTAN. Cette bombe devant être transportée, c’est encore le Général Gallois, qui chez Dassault, participera à l’élaboration du Mirage IV, qui fit de la France une des premières puissances aériennes au monde.

La politique étrangère du Général et là je laisse la place à Monsieur Pierre Maillard, Ambassadeur de France, Conseiller diplomatique du Général de Gaulle et Président du Forum Pour la France, dont je suis le secrétaire Général.

Cette politique a pris pour référence primordiale, non seulement l’existence de la nation, mais sa valeur en tant que phénomène de groupement social et moteur d’action efficace, avec comme première exigence, le concept d’indépendance, étroitement lié à la souveraineté.
Je ne peux résister à vous citer cette phrase du Général : « Si grand soit la taille du verre que l’on vous tend de l’extérieur, buvons dans le nôtre, et trinquons aux alentours » : Qu’en si peu de mots tellement de choses sont dites.

Je laisse à nouveau l’Ambassadeur de France Pierre Maillard : « Ensuite existait la notion d’intérêts, et dans tous les domaines, le Général suivant en cela, cette préoccupation d’intérêts qui fut pendant des siècles au centre de notre politique étrangère ».

Pour lui, toute préoccupation d’idéologie devait être bannie de la diplomatie, sauf pour la propagation vertueuse de certaines valeurs universelles – droit – liberté – humanisme- qui ont fait le renom de la France.

Il voulait aussi que s’impose une exacte appréciation des réalités internationales.

Notre diplomatie devait donc posséder une visée mondiale, avec la persistance de nos zones d’influence, liées à nos possessions d’outre mer et aux facteurs historiques, qui permettaient grâce à une action et une présence étendues au monde, la sécurité de nos sources d’approvisionnement qui devait et devrait rester la préoccupation majeure de notre diplomatie.

Indépendance, souveraineté, non-alignement, l’État contre la féodalité, la nation contre l’empire, la vocation de la France qu’il voulait continuer à promouvoir avec sa mission de paix et d’humanisme. Rappelons nous : « Il existe un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde ».

Voilà l’oeuvre du Général en matière de politique étrangère : Paix, humanisme, et grandeur de la France « qui n’est elle -même qu’au premier rang ».

Voilà pour les oeuvres réussies, mais une, reste inachevée, parce que combattue et jetée aux orties, par des gaullistes ou pseudo-gaullistes. La PARTICIPATION qui devait être la grande réforme du siècle dernier. La notion de participation, dans l’esprit du Général, englobait l’ensemble des phénomènes sociaux et avait obligatoirement des implications directes dans le système politique.

Rappelons nous : Ni le vieux libéralisme, ni le communisme écrasant. Autre chose. Quoi ? Et bien quelque chose de simple de digne et de pratique qui est l’Association, il s’agissait bien là aussi d’un projet politique, avec toujours la recherche de la troisième voie.

Sur le plan social, rappelons la voie tracée par le Général :
« Nous prétendons faire de la France ce qu’elle doit être suivant sa vocation, je veux dire un modèle et un guide quant à la condition des hommes. Participer activement à son véritable destin, voilà la grande réforme française de notre siècle » a t-il dit.

La participation ne pouvait être seulement un cadeau distribué ça et là. NON, elle devait changer les structures de notre société. Très éloignée du matérialisme « scientifique » des marxistes, et de l’égoïsme et de la concurrence perpétuellement organisée par les capitalistes favorisant la loi du plus fort et l’asservissement du monde du travail. Il fallait combattre l’exploitation de l’homme par l’homme et l’éternel abus. Le 24 avril 1969, le Général a trébuché sur son projet.

C’est certainement cette oeuvre inachevée de la Participation, qui au fil du temps, s’inscrira dans l’histoire comme. LA PLUS GRANDE OEUVRE DU GENERAL DE GAULLE. Tout du moins je l'espère.

Pour conclure :

La plus grande œuvre du Général pour votre serviteur fut
- La résurrection grâce à lui du regard des Français sur la France,
- Le nouveau regard que le monde a alors porté sur la France.
Je vous remercie

Henri Fouquereau.

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