« Août 1944, libérer d'abord Paris ! »

« Délivrer la France ou périr »

 

Par Christine ALFARGE,

« Depuis juin 1940, c’est vers la libération que j’avais conduit la France et c’est la résistance qui en était le moyen… » écrira Charles de Gaulle dans ses Mémoires de guerre. Si juin 1940, surgissant du chaos, reste le symbole de la volonté face au renoncement, août 1944 incarne l’avenir de la France où tout va se jouer dans la capitale.

La consécration de la résistance.

Par son action, le rôle du Conseil national de la résistance sera décisif concernant l’insurrection de Paris. Le seul gouvernement fut celui de la résistance, malgré de nombreuses pertes, le CNR trouvait la force et la volonté de continuer le combat. C’est ainsi qu’en août 1944, neuf membres n’avaient pas participé à sa fondation, une pluralité de destins et d’idées au service de la France qui changeront le cours de l’histoire en sauvant notre pays de la soumission et lui rendre la liberté. Face au courage et à la détermination de tous les combattants, le CNR savait que l’issue de la guerre se dénouerait à Paris, il fallait réussir ce que depuis juin 1940, le général de Gaulle avait demandé en s’adressant au peuple français, « Combattre, résister et libérer la France. »

Que s’est-il passé ?

Pendant le mois d’août 1944, l’insurrection de Paris se prépare. Décrétée par les réseaux clandestins, la grève des cheminots qui paieront un lourd tribut en jouant un rôle de premier plan depuis le début de l’occupation, va enclencher le processus qui amènera l’insurrection. Le nerf de la guerre, acheminer vivres et matériels, les allemands en furent rapidement dépourvus. Dès le 10 août, la paralysie était totale et portait un coup redoutable à l’ennemi, la Wehrmarcht était en déroute. Dans la foulée, les postiers suivront ce mouvement de grève, permettant certainement de redonner l’espoir dans une possible victoire.

Cela suffirait-il pour vaincre ?

De son côté, la collaboration mettait tout en œuvre pour garder le pouvoir. Une intrigue phénoménale se préparait, fomentée par Laval qui pensait déjà remplacer Pétain. Il fallait faire disparaître la France, le nœud de l’intrigue était de convoquer l’Assemblée nationale, cette même assemblée qui avait voté les pleins pouvoirs à Pétain, négocier une convention avec le gouvernement allemand pour que Paris ne soit pas défendu. Laval voulait offrir Paris aux Allemands avec Choltitz à sa tête en leur permettant ainsi d’utiliser les ponts de la capitale. Aussitôt, Edouard Herriot, président de la chambre des députés, dont la libération n’était plus qu’une simple formalité, sera installé à l’Hôtel de Ville de Paris le 17 août 1944, utilisé par Laval afin de convoquer l’Assemblée nationale et faire échec à la résistance. Le Conseil national de la résistance, soutenu par toutes les forces populaires, fera échouer ce plan monstrueux et permettra à Charles de Gaulle d’entrer dans Paris.

Le CNR va tout mettre en œuvre.

Pendant que les négociations vont bon train entre Laval et les Allemands, le CNR empêchera à tout prix Herriot de tomber dans le piège de Laval, il était impensable que l’Assemblée nationale puisse traiter avec les Allemands pour mettre en place un nouveau gouvernement. Le 15 août 1944, la police municipale est à son tour en grève, plus rien ne fonctionne désormais à Paris et sa banlieue. Le 18 août, une grève générale est proclamée et des affiches sont placardées.

Le 19 août 1944, l’insurrection est déclenchée.

Le commandant des FFI de la résistance de Paris, le colonel Rol-Tanguy, sur ordre du comité d’action militaire, du CNR et du comité parisien de libération, ordonne la mobilisation générale de tous les Français et forces valides. Cet ordre, affiché dans toutes les rues de Paris, reprenait l’Appel du 6 août du général de Gaulle : « Vous resterez fidèles à votre passé de gloire. Redoublez d’efforts. Français debout, tous au combat ! La victoire est proche !».

Tout comme la mobilisation de la population parisienne décrétée conformément à l’Appel du général de Gaulle quelques jours avant, l’insurrection de Paris sera déclenchée par le colonel Rol-Tanguy qui en prendra la direction, désigné et nommé sur proposition du CNR par le ministre du général de Gaulle. Le colonel Rol-Tanguy annoncera du 14 au 18 août dans toute la région parisienne : « Deux mille Allemands hors de combat, cent camions détruits, plusieurs dépôts d’armes enlevés, maintenant c’est au tour de Paris de se battre. » Le déclenchement de l’insurrection de Paris est bien le fait du CNR qui siégera en permanence.

La tentative de la trêve.

Le général nazi Choltitz ne veut pas en rester là comptant toujours neutraliser Paris. Par l’intermédiaire du consul général de Suède Nordling, il propose une trêve sous prétexte d’un cessez-le-feu pour évacuer les blessés de part et d’autre de la capitale. Les conditions portaient sur trois points : La résistance devrait cesser les hostilités et laisserait passer librement les troupes allemandes pour continuer leur retraite vers la rive droite de la Seine. En échange, les autorités allemandes rendraient les prisonniers FFI. En cas de refus, Paris serait bombardé par l’aviation allemande, les FFI prisonniers fusillés et la capitale livrée aux SS. Ce que Laval n’avait pas fait aboutir avec Herriot, Choltitz voulait le soumettre au CNR à travers son président Bidault, habilité à suspendre les hostilités. En fait, cela ressemblait plus à un ultimatum qu’à une proposition.

Que ce soit le représentant du comité de la Libération, Léo Hamon ou Roland-Pré de la délégation, tous étaient en faveur de la trêve. Le COMAC (Comité d’action militaire), au nom des combattants, se prononcera contre, c’est ainsi qu’informé par Bloch-Dassault, le CNR ne ratifiera pas la trêve. Une brèche avait pourtant divisé le CNR, son président Bidault, convaincu que la trêve était la meilleure solution, demandera aux autres membres présents à une réunion du CNR, le 20 août, de ratifier l’accord proposé par Choltitz. Une motion d’ajournement au lendemain sera décidée pour entendre tous les absents, l’ensemble du COMAC et Chaban, délégué militaire.

Les combats ne cesseront jamais malgré la diffusion continuellement dans toutes les rues de ce message, « Le gouvernement provisoire de la république française et le Conseil national de la résistance vous demande de suspendre le feu contre l’occupant jusqu’à l’évacuation totale de Paris. » Personne ne se doutait alors de la forfaiture qui secouait à l’interne l’organisation du CNR en la personne de son représentant Georges Bidault ayant lui-même souscrit aux exigences de Choltitz.

« Tous aux barricades !»

Ce mot d’ordre du colonel Rol signifiait que les combats continuaient bien dans toute la capitale. Ratifier ou rejeter la trêve, cette réunion du lendemain, 21 août, aurait pu renverser le cours de l’histoire, malgré la menace de désunion au cœur de la résistance, heureusement, son unité fut préservée car la trêve souhaitée par des autorités sans mandat fut repoussée dans un premier temps, puis condamnée fermement par le COMAC et l’Etat-major des FFI.

Paris libéré, l’avenir de la France s’éclaircirait à nouveau.

Sauvegarder l’unité de la résistance, c’était préserver plus tard l’indépendance nationale. Pour ceux qui depuis l’appel du général de Gaulle du 6 août n’avaient jamais cessé le combat, malgré des avis contraires sur l’idée d’une trêve, il était impensable que des membres du CNR puissent se laisser entraîner par forfaiture. Comme en 40, le sursaut viendra d’une poignée d’hommes déterminés en ce mois d’août 1944, tel Jean de Vogüe (dit Vaillant) dont la sincérité et la foi patriotique va renverser la situation auprès de tous qui l’écouteront médusés.

L’insurrection menée par le CNR confortera le général de Gaulle.

Le 22 août à Paris, les combats continuent sans répit, peut-on lire dans la presse courageuse avec la photo du général de Gaulle occupant toute une seconde page. Le CNR contrôle la situation, partout les FFI récupèrent armes et munitions, toute la population est mobilisée face à l’ennemi.

Du 23 au 25 août, les jours seront décisifs, les chars de la division Leclerc foncent sur Paris. En dépit de leurs forces restantes, les Allemands sont isolés dans sept à huit points d’appui au cœur de Paris. Une proclamation du CNR sera placardée dans tous les quartiers de la capitale dans la nuit du 23 au 24 août dont voici un extrait : « A toute la population qui toutes classes confondues est entrée dans la lutte, l’admiration et l’orgueil du pays … »

Le 25 août, les chars de Leclerc sont attendus. La jonction de la 2ème DB avec les FFI se fait avec comme consigne à chaque unité, « Combattre avec les unités Leclerc, les renseigner sur les positions allemandes, les aider par tous les moyens possibles. » Ce jour-là, le général de Gaulle retrouve Leclerc à l’Hôtel de Ville, côté allemand, le général nazi Choltitz capitule entre les mains de Rol et Leclerc.

L’insurrection à laquelle les allemands n’étaient pas préparés et l’organisation des barricades par les FFI ont permis de protéger Paris de la destruction. Leurs combats ont préparé la victoire alliée, forcé la main du général Eisenhower qui aurait aimé être le seul libérateur de Paris et facilité la progression de la division Leclerc.

En août 1944, les parisiens et les parisiennes n’ont pas attendu les forces alliées pour libérer la capitale du joug nazi, l’unité du peuple fut le socle de la victoire. Les jeunes générations doivent se rappeler que si une trêve décidée en catimini entre les allemands et des représentants du gouvernement provisoire à Paris, avait été acceptée, le discours du général de Gaulle « Paris martyrisé… mais Paris libéré par lui-même par son peuple » n’aurait jamais pu être prononcé. Sans la lucidité et la détermination à vaincre du CNR, du COMAC et des FFI réunis, la France aurait perdu la guerre, son indépendance, sa liberté !

*Christine ALFARGE Secrétaire générale de l'Académie du Gaullisme.

© 01.09.2020